Misanthrope, irrévérencieux, le réalisateur divise, encore et toujours. « Je viens pour vous faire chier » C’est un peu la devise de Bertrand Blier, qui aligne, depuis cinquante ans, des films drôles ou tragiques qui ne plaisent pas à tout le monde. Parfois même à personne. En attendant de le bouder, il faut se pencher sur sa trame poétique mêlant cynisme et absurdité. La provocation est partout. Toujours vivant, depuis trop longtemps absent, on se demande ce qu’il attend.
Ses films bouillonnent d’humour et de perspicacité. ça transpire l’envie de contrer l’esprit de sérieux qui corrompt si souvent le cinéma. Ici on se fout de la réalité. On s’affirme dans la marginalité, seule issue à la l’absurde vanité de l’humanité. Marginaux, prostitué(e)s, voyous, flics, travestis… On y trouve la quintessence de la provocation (Les valseuses) et d’un certain humour noir ( Buffet Froid, Calmos…), mêlés à un goût prononcé du dialogue finement grossier.
Bertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt (France).
Après avoir débuté comme assistant réalisateur en 1959 sur Oh! que mambo de John Berry et s’être fait remarqué pour ses docu-fiction Hitler… connais pas ! en 1963,
Bertrand Blier dirige son père, le légendaire Bernard Blier, dans son premier long métrage de fiction, Si j’étais un espion (1967).
Il faut cependant attendre 1974 pour que Blier réalisateur se fasse un nom avec le triomphe public des Valseuses et de son trio vedette Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou.
Pourquoi le (re)voir ?
Pour le trio Dewaere/ Depardieu / Miou-Miou, qui promènent leurs désirs, leur insouciance et leur talent dans ce film irrévérencieux et drôle signé Bertrand Blier. Avec Les Valseuses, le cinéaste transgresse les règles de la bienséance sociale et sème un vent de fraicheur « soixante-huitard » sur le cinéma, à coups de répliques aussi insolentes que poétiques, de scènes crues pleines de spontanéité et de héros-voyous vulgaires mais touchants. Enragés, bouillonnants, Dewaere et son comparse Depardieu le sont à la ville comme à l’écran : deux amis, deux fous anticonformistes et libertaires qui n’hésitent pas à « travailler leurs rôles » en disparaissant réellement toute une nuit avec la voiture du tournage. Au cœur de ce film frondeur, Patrick Dewaere trouve là son premier grand rôle au cinéma, qu’il fréquente tout de même depuis l’âge de 4 ans.
La patte Blier s’instaure : humour acerbe et vérité sociale. Quatre ans plus tard, Bertrand Blier retrouve son duo masculin Depardieu–Dewaere pour Préparez vos mouchoirs. Raoul a tout essayé pour effacer l’éternel air triste affiché par son épouse, Solange. En vain. Il se dit alors que seul l’amour peut lui redonner le sourire et décide de faire cadeau de la jeune femme à un inconnu, rencontré dans un restaurant. Une fois remis de sa surprise, Stéphane, professeur d’éducation physique dans un petit collège du Nord, finit par accepter ce singulier ‘présent’. Mais il doit bientôt se rendre à l’évidence : malgré Mozart et les livres de poche, Solange ne se déride pas plus en sa compagnie qu’avec son mari.
Entre temps, viendra le mythique Calmos avec Jean Rochefort et Jean Pierre Marielle. Deux hommes, exténués par les femmes, abandonnent tout pour aller s’installer dans un village perdu. Ils y rencontrent un curé truculent et soiffard qui les rappelle aux plaisirs simples de la vie. Bientôt, leur exemple inspire des milliers d’hommes et des cohortes de mâles déboussolés quittent alors les villes, fuyant l’hystérie féministe des années 1970. Mais bientôt arrive un escadron d’amazones nymphomanes.
Avant de diriger Depardieu en solo et son père dans Buffet froid (1979), César du meilleur scénario. Alphonse, un trentenaire au chômage, fait la connaissance d’un homme en attendant le métro. Plus tard dans la soirée, il le retrouve en train de mourir, son propre couteau planté dans le ventre. Quand il rentre dans la tour où il vit seul avec sa femme, Alphonse fait la connaissance de Morvandiau, un bien étrange inspecteur de police, et d’un vieil assassin paranoïaque. Ensemble, ils s’apprêtent alors à vivre une nuit complètement folle, peuplée de situations rocambolesques et de meurtres absurdes…
puis Dewaere dans le subversif Beau-Pere (1981). Après la mort de sa mère, Marion, 14 ans, doit choisir entre vivre avec son père, un homme dépassé par la situation et aux tendances alcooliques, ou son beau-père, personnage affectueux qui l’élève depuis des années et pour qui elle a des désirs sexuels.
Scénariste de la totalité de ses films (mais également de Grosse Fatigue de Michel Blanc en 1994), le cinéaste signe avec Tenue de soirée l’un des plus gros scandales du cinéma français des années 80 avec ses thèmes d’homosexualité et de triolisme abordés sans détour. Il y retrouve une nouvelle fois Gérard Depardieu et Miou-Miou et glane le Prix d’interprétation masculine du Festival de Cannes (pour Michel Blanc) et trois nominations aux Césars.
Antoine (Michel Blanc) et Monique (Miou-Miou) forment un couple à la dérive malgré l’amour qu’Antoine porte à Monique. Un soir alors qu’il se trouve dans un bal, Monique houspille violemment Antoine en lui reprochant sa situation désastreuse, ceux-ci en sont désormais réduits à vivre été comme hiver dans une caravane vétuste. Un inconnu nommé Bob (Gérard Depardieu) assiste à la scène et intervient inopinément en prenant la défense d’Antoine. Devant le bagout et le charisme de cet homme, le couple accepte de le suivre dans le cambriolage de maisons bourgeoises. Un trio se met alors en place et Bob semble plus intéressé par Antoine que par Monique. Cette dernière voyant son niveau de vie augmenter grâce à la présence de Bob encourage même Antoine a céder aux sollicitations de ce « mastodonte » qui souhaite entreprendre une relation homosexuelle avec lui.
Trois ans plus tard, le succès public et critique de Trop belle pour toi est encore plus imposant : Grand Prix du jury du Festival de Cannes et cinq Césars dont ceux du meilleur film, meilleur réalisateur et de la meilleure actrice (pour Carole Bouquet). Bernard Barthelemy, patron d’un garage BMW, est marié à une femme très belle, Florence. Il tombe pourtant amoureux d’une femme au physique très ordinaire, Colette, qui travaille chez lui en tant que secrétaire intérimaire. Cette relation va bouleverser sa vie, sur fond de musique de Schubert.
Les années 1990 seront marquées par un raz-de-marée de récompenses, largement dû à sa collaboration avec Anouk Grinberg, nouvelle venue dans la galerie des comédiens de Blier. Notre histoire avec Alain Delon où abordé dans un compartiment de première classe d’un train par une jeune femme désemparée qui s’offre à lui, un garagiste s’installe dans la vie de celle-ci contre son gré.
Et la femme de mon pote avec Coluche et Lhermitte.
On citera Merci la vie (un César et 6 nominations) et Un, deux, trois, soleil en 1993 (deux César et surtout la Coupe Volpi du Meilleur Acteur du Festival de Venise pour Marcello Mastroianni) ainsi que Mon homme (1996), Prix de la meilleure actrice pour Anouk Grinberg au Festival de Berlin.
En 2000, le cinéaste réunit une trentaine de grands noms du cinéma français pour Les Acteurs. Quelques portraits de comédiens (Ahurissant casting ! ) qui se rencontrent et se racontent, de façon organisée ou fortuite. Ils s’interrogent avec une certaine distance et ironie sur leur métier.
Si le film est plutôt bien accueilli, Les Côtelettes, avec Philippe Noiret et Michel Bouquet en vieux épicuriens dissertant sur le sens de la vie et les plaisirs de la chair divise le public cannois, et reçoit un accueil national mitigé du public et de la critique.
Blier revient en 2005 avec Combien tu m’aimes ?, l’histoire d’un amour monnayé entre la péripatéticienne Monica Bellucci et son client Bernard Campan.
Dix ans après Les Acteurs, il dirige à nouveau Albert Dupontel, devenu l’incarnation du cancer de Jean Dujardin, dans la comédie dramatique Le Bruit des glaçons. Charles Faulque (joué par Jean Dujardin), écrivain alcoolique, en déprime et en perdition, reçoit la visite impromptue de son cancer (joué par Albert Dupontel). Mais, malgré la dérive totale de sa vie, le vieil écrivain ne tient pas vraiment à la quitter. La relation avec son cancer est donc assez conflictuelle !
Le cinéma de Bertrand Blier est résolument anticonformiste et iconoclaste. Son style se rapproche parfois d’un Jean-Pierre Mocky dans la critique des mœurs bourgeoises et la réhabilitation des plaisirs du corps, mais son modèle dans le domaine reste avant tout Luis Buñuel.
On trouve dans ses œuvres de grands moments de provocation (Les Valseuses) et d’humour noir (Buffet froid et Les Acteurs), mêlés à un goût prononcé du dialogue grossier et décalé ainsi qu’à un intérêt certain pour l’absurde.
Néanmoins, ses films atteignent souvent un large public, comme Notre histoire et Tenue de soirée. Marginaux, prostitué(e)s, voyous, flics, travestis, sont ses thèmes de prédilection.
C’est un réalisateur qui fait la part belle aux acteurs. Il a tourné avec les plus grands. Il a fait de Jean-Pierre Marielle (quatre collaborations), Patrick Dewaere (trois collaborations) et Gérard Depardieu (huit collaborations) ses acteurs fétiches.

Dans votre deuxième film, Calmos, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle rembarrent une femme. « Vous pourriez être polis », leur dit-elle. Et Marielle de répondre : « Polis. En quel honneur ? » N’est-ce pas là une définition de votre cinéma ?
C’est mon côté « noir ». Mon côté Cioran : à quoi ça sert d’être poli ? A quoi ça sert de se lever de bonne humeur ? N’empêche, Calmos est la grosse connerie de ma vie. Le scénario était bon, mais je n’avais, pour le tourner, ni le fric, ni les acteurs.
Ils étaient pourtant très bien, Marielle et Rochefort…
Très. Mais tout ça manquait de vigueur, de folie. C’était un film « kubrickien », vous savez, avec tout un univers à construire, sauf qu’on n’avait pas les moyens de Kubrick. Et que je n’avais pas son talent. Mais le talent, on s’en arrange. L’argent, jamais…
Il y a, pourtant, une scène formidable dans Calmos : le festin auquel participent votre père, Bernard Blier, en curé rubicond, et Pierre Bertin en chanoine…
Là encore… Je voulais Gabin pour le chanoine. Le rôle était court, mais j’avais un bon contact avec lui. Un matin, à 11 heures, il semble d’accord et me dit : « Envoie-moi ton producteur, mais pas avant 15 heures, que je puisse becqueter ». Et à 15 heures, il dit à Christian Fechner : « Vous savez, que vous m’ayez deux jours ou trois mois, c’est le même prix ! ». Vu ce qu’il demandait, Fechner est évidemment tombé par terre…
“Aujourd’hui, ce n’est pas qu’on ne peut plus
être insolent, c’est qu’on ne veut plus.”
C’est Calmos qui a fait votre réputation de misogyne forcené…
Non, non, tout a commencé avec Les Valseuses, en 1974. On était en plein MLF et il y a eu des manifestations devant les cinémas. Des banderoles… La cinéaste Chantal Akerman allait de salle en salle en apostrophant les futurs spectateurs : « N’allez pas voir cette merde, c’est une insulte envers les femmes. » Et, dans Le Figaro – Le Figaro de l’époque, le vrai, le pur, le dur –, le professeur Debray-Ritzen demandait carrément l’interdiction du film. C’était extravagant… Je m’en fichais un peu, moi, car j’avais reçu l’aval de Buñuel. Je le rencontre, un jour, par hasard, et il me dit : « Ah, la scène de l’autorail… avec la femme qui donne le sein… c’est très érotique ! » J’étais inondé de bonheur…
Pourriez-vous retourner Les Valseuses ou Calmos en 2010, dans notre cinéma, si prudent, si sage ?
Non, bien sûr. Ce n’est pas qu’on ne peut plus être insolent, aujourd’hui, mais on ne veut plus. L’insolence, tout le monde s’en fout. Même moi, par moments, j’en ai marre… Et puis, je repique au truc pour m’étonner moi-même : quand j’entends, dans Le Bruit des glaçons, Myriam Boyer dire à Anne Alvaro : « C’est trop tard, la mammo ! Il diffuse, ton cancer ! », je me fais peur. Je l’ai écrite, cette réplique, mais elle m’effraie…
Y a-t-il des insolents autour de vous ?
Peu, hélas. Des gens comme Gaspar Noé sont audacieux visuellement, mais ils sont incapables de se servir des mots…
des films, pour ça oui, mais du
cinéma, pas beaucoup…”
Comment vous sentez-vous dans le cinéma actuel ?
Mais, pour moi, il n’y a plus de cinéma. Je vois des films, pour ça oui, mais du cinéma, pas beaucoup… Quand j’ai tourné Les Valseuses, j’avais, la même année, pour me donner des coups de pied au cul, Orange mécanique, Le Dernier Tango à Paris et La Grande Bouffe. Plus Fellini. Et Bergman. Et Pialat et Truffaut.
Aujourd’hui… J’aime beaucoup Jacques Audiard. C’est le meilleur metteur en scène que l’on ait actuellement, mais ses films ne me mettent pas par terre. Je préfère Pialat, qui tournait des plans bizarres, qui ne savait pas très bien comment les monter, mais qui avait l’œil… Ce n’était pas un metteur en scène, lui, mais un cinéaste.
Ce n’est pas une réflexion de « vieux con », ça, votre côté « c’était mieux avant » ?
Mais « vieux con » ne veut pas dire qu’on ne comprend plus rien à rien… Je vois beaucoup de films et très peu me provoquent le choc qui donne envie de continuer. Si : Tout sur ma mère et Parle avec elle, d’Almodóvar. Je me suis dit : « Nom de Dieu, s’il existe un gars pour faire ça, on peut y croire encore. » Wong Kar-wai, un peu, Paul Thomas Anderson quand il tourne Magnolia…
Etes-vous cinéphile ?
Pas du tout. Je ne respecte pas le cinéma. Je ne l’idéalise pas, comme certains de mes confrères. Je me dis que si on rate certains films, ce n’est pas grave : autant lire Proust. J’ai toujours pensé qu’il fallait laisser le cinéma à sa place – le considérer comme un art mineur. Je me sens très proche de Gainsbourg, qui ne se prenait pas pour Ravel et qui, de temps à autre, disait : « Allez, on va leur composer une petite chansonnette »… Un peintre, un écrivain ont la liberté totale pour créer. Nous pas ! On est des aventuriers, des joueurs de poker. On fait des braquages – réussis ou ratés – à chaque film… Heureusement, certains sont inoubliables…
pour les cons? Il avait raison.”
Lesquels ?
La Soif du mal et Sonate d’automne. Le film de Welles repose sur une absence de scénario – dix pages, pas plus – mais sublimée par la mise en scène, dont il est le génie à l’état pur. Bergman, c’est l’inverse : pas de mise en scène, enfin si, discrète… Mais du cœur un peu partout. J’ai montré Sonate d’automne à mon fils de 15 ans : il pleurait… On est tous des nains à côté de Bergman et de Welles. Des nains…
Vous partagez avec Welles la haine des gros plans…
Il disait que c’était fait pour les cons et il avait raison. Avec une exception : Sergio Leone a inventé un vrai langage en associant brutalement, dans ses westerns, un grand espace à un très gros plan. C’est très malin et très efficace, surtout quand on n’a rien à raconter. Mais quand on a quelque chose à dire, comme Welles, le gros plan est inutile. Kubrick n’en faisait pas. Et Kurosawa non plus…
Et vous ?
J’en fais quand même par amour des acteurs, dont j’aime me rapprocher. Dans Le Bruit des glaçons, il y en a que je regrette – trop gros, mes gros plans ! Mais j’en fais moins qu’avant… Dans ce film, j’ai décidé de me débarrasser de la mise en scène. Ça prend un temps et un fric fous, la technique, les travellings… Là, j’ai pris une caméra légère, la « steadycam », engagé un mec génial pour la tenir et j’ai tourné en deux heures des plans qui, auparavant, m’auraient pris trois jours. Et le film est mieux mis en scène. Il respire plus…
“Dans mes films, ce sont les hommes
qui ont toujours le sale rôle. Je n’ai
filmé que des crétins.”
Dans ce film, vous avez écrit, enfin, un superbe personnage de femme qu’incarne Anne Alvaro…
Le Bruit des glaçons, c’est mon film le plus épuré. C’est probablement dû à mon âge. A la maturité. Et plus que pour l’histoire du cancer, c’est pour les scènes d’amour entre Anne Alvaro et Jean Dujardin que j’ai tourné le film… Quand on a une tumeur inguérissable au cerveau, l’accomplissement de la vie qui vous reste passe obligatoirement par les bras d’une femme. On cherche celle qui vous fermera les yeux et ce n’est pas toujours celle qu’on attendait qui le fait.
Ce personnage est la plus belle des réponses à ceux qui vous taxent encore de misogynie…
Mais c’est un reproche totalement idiot ! Dans mes films, ce sont les hommes qui ont toujours le sale rôle. Je n’ai filmé que des crétins. Des lâches. Aucun n’a la clé du monde féminin : ils ne savent pas comment ça marche. Soit parce qu’ils sont très machos, comme dans Les Valseuses. Soit parce qu’ils sont trop amoureux, comme dans Préparez vos mouchoirs. Même dans Beau-père, Patrick Dewaere est un loser consternant…
De fait, tous les hommes de ma génération ont démarré macho. Moi comme les autres. Mais être macho, aujourd’hui, c’est être demeuré… Vous souvenez-vous des crétins des Valseuses : ils sont sur une dune et Depardieu dit à Dewaere : « Il y a bien un cul qui nous attend quelque part. » Toute la connerie des mecs, elle est là…
Donc pas misogyne, mais misanthrope ?
Ah, ça oui, je suis ! Totalement !
Est-ce pour cela que vos films sont toujours grinçants ? Vous semblez constamment vous méfier de l’émotion…
La peur d’être ridicule, sans doute… Mais non : il me semble que j’y vais, dans le sentiment ! Il y en a dans Beau-père, Notre histoire, Merci la vie… J’ai même tourné un film 100 % sentimental, Trop belle pour toi. Mon seul film chic. Convenable. Primé à Cannes. Celui-là, ce n’est pas Buñuel qui l’a aimé, mais Claude Sautet : il m’a écrit une lettre dithyrambique…
histoire plate. Je l’ai fait une fois avec
Trop belle pour toi. Plus jamais…”
Tout de même, quand vous êtes sur le point de vous laisser aller, vous en rajoutez dans le vitriol. Comme dans Mon homme
Mon homme, c’est mon film le plus dur. Le plus hard. Je ne le revendique pas trop. Il y a des moments où on va trop loin… et là, j’y suis allé ! Je ne revendique pas tous mes films, vous savez. Ni Calmos, ni Mon homme, ni La Femme de mon pote. Mais j’aime bien Merci la vie et Un, deux, trois, soleil…
La provocation vous plaît, tout de même…
Je ne peux pas faire autrement. Je ne sais pas raconter platement une histoire plate. Je l’ai fait une fois avec Trop belle pour toi. Plus jamais…
Comment avez-vous eu l’idée du seau à glace qui ne quitte jamais Jean Dujardin dans Le Bruit des glaçons ?
Je voulais un écrivain à l’américaine : Hemingway. Barbu, un peu enveloppé, habillé avec des chemises très années 1950… Puisqu’il visualisait son cancer, je voulais qu’il affiche son alcoolisme : d’où l’idée du seau à glace…
Les objets me servent, parfois, de point de départ. Le début de Buffet froid, par exemple, m’a été fourni par Depardieu. Fréquenter Gérard, c’est pas de la tarte ! Et, à l’époque, ce crétin se baladait constamment avec un couteau. Un vrai, un sérieux. « Faut que je coupe ! » disait-il. Pendant le tournage de Préparez vos mouchoirs, dans les Ardennes, il a dû débiter quelques arbres, entre les prises… Un jour, j’ai pensé au couteau de Gérard et la réplique m’est venue : « Vous avez mon couteau dans le ventre. Quel effet ça vous fait ? » Le reste, je l’ai écrit en quinze jours, comme en état de transe, comme si ça venait de l’au-delà. En fait, ça venait de mon inconscient, mais je ne le savais pas, à l’époque… Dans le film, je tuais mon père, tout de même ! Une scène dont je me souviens encore : il avait peur du vide, et je l’ai fait monter sur une barque fragile – avec de l’eau à 6°C –, en compagnie d’un Gérard vaguement bourré qui gesticulait dans tous les sens… Les techniciens ont poussé la barque et mon père m’a dit, soudain : « Tu vas pas me tuer, tout de même »…
“J’adorais mon père. J’ai eu de la chance
d’être son fils, mais il m’a fait beaucoup
de mal, en même temps.”
Vous ne parlez pas souvent de votre père…
Je l’adorais. C’était un père fantastique. J’ai eu beaucoup de chance d’être son fils, mais il m’a fait beaucoup de mal, en même temps. Il avait une face cachée… L’autre côté du miroir était noir. Avec de la violence… A mon âge, je vais pouvoir affronter ça. Sous la forme d’un livre. Je voudrais en écrire un vraiment beau avant de mourir…
Dans presque tous vos films, les personnages s’adressent au spectateur, comme pour le prendre à témoin…
Je trouve très émouvant qu’un acteur regarde la caméra. Ça ne se fait pas, je sais ! Mais, dans le cinéma muet, Chaplin le faisait. Et si Chaplin le faisait, pourquoi pas moi ?… Dans Le Bruit des glaçons, ça me paraissait indispensable. Tous les personnages contemplent leur mort. Sauf le cancer, qui n’en a pas besoin…
Dans Un, deux, trois, soleil, Marielle disait à un jeune Noir : « Tu es la chance de mon pays. » C’est inhabituel. Vous ne vous engagez pas souvent : vous n’êtes pas un cinéaste social…
Non. Mais j’estime que mes films – moi, peut-être pas, mais eux, oui – sont de gauche. Hormis Trop belle pour toi, où ils sont embourgeoisés, tous mes héros sont du mauvais côté de la rue : des voyous, des paumés…
si on est de droite ou de gauche.”
Mais vous seriez plutôt un anar de droite, à la Michel Audiard !
On me dit souvent ça. C’est assez compliqué, je trouve, de savoir si on est de droite ou de gauche. Surtout les artistes…
Tous ne se disent-ils pas de gauche ?
Mais ils sont forcément de droite ! Ils ont des opinions de gauche, d’accord : ils signent des pétitions, ils manifestent. Mais leur vie professionnelle les pousse à droite. Notamment quand ils discutent leurs contrats…
Ça n’a aucun rapport ?
Si, tout de même ! Quand j’ai voulu engager Delphine Seyrig dans Buffet froid – pour le rôle qu’a si bien tenu Geneviève Page –, elle m’a demandé tellement d’argent que j’ai dû renoncer. J’avais l’impression que je devais payer pour les films qu’elle avait faits avec Chantal Akerman…
Vous n’auriez pas une dent contre Chantal Akerman ?
Du tout ! Elle a tourné des trucs très bien…. Seulement quand les comédiens de gauche arrivent chez moi, ou chez des confrères qui, comme moi, ont parfois des succès au box-office, ils se remboursent. Et l’addition est salée…
Au théâtre, votre première pièce, Les Côtelettes, a été un gros succès public, mais un bide critique total…
Historique ! Même à Télérama ! Fabienne Pascaud, qu’est-ce qu’elle m’a mis !
Et pourtant vous récidivez avec Désolé pour la moquette…
Ben, oui. J’ai imaginé la rencontre d’une bourgeoise – Anny Duperey – et d’une SDF – Myriam Boyer. Dans une ville où les trottoirs ont été moquettés pour que les SDF soient mieux installés…
Une provocation de plus…
Oui, ce sera une pièce assez sanglante. On ne se refait pas…
Source Wikipédia

Films | Années | ![]() |
---|---|---|
Hitler, connais pas | 1963 | 39 535 entrées |
Si j’étais un espion | 1967 | 77 290 entrées |
Les Valseuses | 1974 | 5 726 031 entrées |
Calmos | 1976 | 739 646 entrées |
Préparez vos mouchoirs | 1978 | 1 321 087 entrées |
Buffet froid | 1979 | 777 127 entrées |
Beau-père | 1981 | 1 197 816 entrées |
La Femme de mon pote | 1983 | 1 485 746 entrées |
Notre histoire | 1984 | 881 592 entrées |
Tenue de soirée | 1986 | 3 144 799 entrées |
Trop belle pour toi | 1989 | 2 031 131 entrées |
Merci la vie | 1991 | 1 088 777 entrées |
Un, deux, trois soleil | 1993 | 417 948 entrées |
Mon homme | 1996 | 469 305 entrées |
Les Acteurs | 2000 | 415 427 entrées |
Les Côtelettes | 2003 | 95 611 entrées |
Combien tu m’aimes ? | 2005 | 536 523 entrées |
Le Bruit des glaçons | 2010 | 743 201 entrées |
Total | – | 21 118 592 entrées |