Jean Raspail a construit petit à petit une œuvre profondément originale, empreinte d’une haute mélancolie qui porte un témoignage d’une certaine vision, un brin sulfureuse, du XXème siècle. Le camp des saints, son grand roman pré-apocalyptique paru en 1973, est à jamais l’épicentre d’hystéries. Parce qu’il demeure par certains traits prémonitoire? A défaut de lueurs, on y trouve souvent des reflets.
Le sujet est grave, et périlleux. Il raconte l’arrivée d’une première flottille de damnés de la terre, poussées par la faim et la misère, décidés à immigrer dans l’Eldorado France. Une avant-garde d’une inéluctable invasion. Le gouvernement atermoyait, puis cédait. Mais une poignée de patriotes résistait jusqu’au bout…On aura beau l’instrumentaliser, il reste avant tout riche de ses multiples lectures et de ses splendides malentendus.
En des temps où l’amnésie fait des ravages, Jean Raspail est le chroniqueur des lisières de la mémoire et de l’oubli, défiant l’absence par la noblesse de l’attitude et des sentiments. Car il ne s’agit pas d’avoir encore des illusions, mais de se tenir, droit et fier, comme si l’on en avait encore, pour manifester respect et attachement à ce qui n’est plus. Certainement plus nationalo-royaliste qu’à proprement parler anarchiste, sa lucidité aristocratique teintée de franc parler, l’amène à fréquenter la navigation d’un rafiot où le drapeau noir, dans l’obscurité servira d’étendard.
Jean Raspail est né en Indre et Loire en 1925. De son enfance et de son adolescence, l’on sait peu de choses – sinon qu’il est le fils de d’Octave Raspail, Président des grands moulins de Corbeil, Directeur général des mines de la Sarre et de Maguerite Chaix, qu’il fréquenta le collège Saint-Jean-de-Passy et l’Institution Sainte-Marie-de-Monceau, à Paris, qu’il fut l’élève de Marcel Jouhandeau et poursuivit ses études à l’École des Roches de Verneuil-sur-Avre.
Il semblerait, par conséquent, que pour le jeune homme d’un peu plus de vingt ans, le voyage ait fait office d’école de la vie. De ce premier voyage «quelque part entre les villes de Saint-Louis et de Memphis», Jean Raspail dira plus tard, dans Terre de feu-Alaska: «Partis vers une belle aventure de jeunesse, nous en découvrions peu à peu la signification profonde. Bien plus qu’une vie simplement séduisante nous avions trouvé un idéal.» Bref, le désir d’évasion s’était petit à petit transformé en un goût du défi.
Comme il le notera dès le début de son récit, cette nouvelle aventure, après le voyage aux États-Unis, «concrétisation des rêves de l’adolescence», constituait pour Jean Raspail et son équipe un « projet d’hommes». Il ne s’agissait plus seulement d’un voyage de découverte et d’initiation, mais d’une expédition, au sens propre du terme, avec tout ce que cela impliquait en termes d’équipement, d’organisation et de financement. Le défi était de taille, les difficultés énormes et l’organisation éminemment complexe, surtout à l’époque. En outre, les distances qu’il s’agissait de franchir étaient considérables – plus de 40.000 kms.
Rien, pourtant, ne le laisse supposer, dans Terre de feu-Alaska – cette sorte de journal de voyage dans lequel Jean Raspail relate fidèlement les multiples aventures, rencontres, découvertes et émerveillements vécus par l’équipe tout au long de son expédition, comme s’il s’était d’abord agi, pour le jeune homme qui, après plusieurs années, se réessaie ainsi à l’écriture, de se discipliner et d’apprendre à maîtriser l’art du récit.
Si Jean Raspail situe sa véritable date de naissance en 1949, on peut donc estimer que l’écrivain est né en lui avec la rédaction de ce second livre : Terres et peuples Incas. Car on y trouve tout ce qui, développé, retravaillé, affiné, sera désormais la substance même de la «manière Raspail» d’aborder êtres et choses – notamment par le biais de l’évocation des Urus du lac Titicaca -,au cours des multiples voyages qui ponctueront dès lors son existence et desquels il rapportera à chaque fois un livre ou deux… ou trois!
Au Japon, d’abord, en 1957-58; au Liban, en Jordanie et en Israël, en 1959; en Afrique ensuite; puis aux Antilles, un peu, beaucoup, passionnément…; à Hong-Kong au début des années 60; aux États-Unis, une nouvelle fois, pour y retrouver les Indiens… Et puis, naturellement, en France, du Nord au Sud, d’Est en Ouest.
Et la France qu’il retrouve, de retour de voyage, lui semble s’enfoncer, à chaque fois un peu plus, dans cet esprit unidimensionnel qui, tout entier tourné vers son propre nombril, n’a de cesse, semble-t-il, de s’auto-avilir pour mieux se renier lui-même.
Or, si Jean Raspail a rapporté quelque chose de ses voyages, au-delà de ses découvertes d’ordre pour ainsi dire ethnologique et des récits qu’il en a tirés, c’est à la fois une grande distance par rapport au présent et une certitude.
Sans doute l’écrivain lui-même, comme cela se produit généralement lorsque la rédaction d’un livre s’impose à la façon d’une nécessité quasi vitale, sans doute, donc, Jean Raspail n’avait-il pas idée, tandis qu’il entamait l’écriture du Camp des Saints, de ce que le livre signifierait au fond, pour lui.
Sans doute l’impulsion originelle est-elle née d’un mouvement de colère comparable à celui qui a donné son titre à l’ouvrage consacré aux Antilles – Secouons le cocotier! Sans doute, à considérer cette sorte de dictature du «politiquement correct» qui était alors en train de se mettre en place par le biais de ses plus prolixes portes-paroles, Jean Raspail avait-il en tête de tirer un coup de semonce retentissant.
Et ce qui devait arriver se produisit fatalement. Le Camp des Saints fut reçu par beaucoup sur le mode du malentendu, considéré par les uns comme une provocation extrêmement de droite, voire carrément raciste; par les autres, comme un manifeste prophétique les justifiant dans leur action extrêmement de droite…
Rares furent ceux qui s’avisèrent qu’il s’agissait peut-être, en premier lieu, d’aborder le roman dans la perspective des ouvrages qui l’avaient précédé et qu’en définitive Jean Raspail reprenait ici le sentier au-delà de Sagonnik, mais pour cette fois s’enfoncer toujours plus loin, toujours plus profondément dans la forêt, sans plus songer revenir sur ses pas. Ce qui formera d’ailleurs, et au sens littéral du terme, cette fois, la trame romanesque de Septentrion.
Bien sûr, Le Camp des Saints est une critique sociale et culturelle; bien sûr, Jean Raspail y reprend le discours «officiel » de l’époque, pour en dénoncer toutes les lâchetés, les hypocrisies, les haines et les rancœurs dissimulées, parfois le grotesque; bien sûr, s’y trouvent posées des questions fondamentales sur notre propre devenir, sur la viabilité d’une civilisation économiquement prospère mais moralement, spirituellement et culturellement déstructurée; pourtant, si l’on aborde le livre sous un tout autre angle, il s’agit aussi et surtout, pour l’écrivain, d’un acte de libération quasi jubilatoire.
En vouant à l’Apocalypse un monde qui semble que n’attendre que ça, Jean Raspail s’en est libéré, claquant la porte derrière lui, pour s’ouvrir toute grande la voie vers son propre monde. Ainsi est-il véritablement entré en littérature, passant du statut de voyageur-écrivain à celui d’écrivain voyageant et explorant, de livre en livre, son propre univers, comme le Jeu du Roi viendra le signifier, trois ans plus tard, et comme Septentrion le confirmera de manière magistrale peu après.
Il postule à l’Académie française en 2000 et recueille le plus de voix, sans toutefois obtenir la majorité requise pour être élu au siège vacant de Jean Guitton.
Le 17 juin 2004, il publie une tribune dans Le Figaro intitulée La patrie trahie par la République (reproduite un peu plus bas) dans laquelle il critique la politique d’immigration menée par la France. Il est alors, avec le journal, attaqué en justice par la LICRA pour « provocation à la haine raciale », mais est finalement relaxé par une décision de la dix-septième chambre du tribunal de grande instance de Paris en date du 28 octobre.
En 2009, le 25 avril, il reçoit, pour l’ensemble de son œuvre, le Prix Wartburg de Littérature.
Son œuvre a été plusieurs fois portée à l’écran, adaptations qui n’ont pas soulevé l’enthousiasme de l’auteur. Les adaptations en bandes dessinées de ses romans Sept cavaliers… et Les Royaumes de Borée par Jacques Terpant, sont par contre, tout à fait revendiquées par l’écrivain
« Ce que je ne parviens pas à admettre, et qui me plonge dans un abîme de perplexité furieuse et désolée, c’est pourquoi tant de Français avertis concourent aveuglément, méthodiquement, voire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France –évitons le qualificatif d’éternelle, qui les révulse –sur l’autel de l’humanisme exacerbé »
Le camp des Saints, de Jean Raspail, un succès de librairie raciste?
Par Jérôme Dupuis (L’Express), publié le 06/04/2011
Trente-huit ans après sa sortie, Le Camp des Saints fait son retour dans les listes de best-sellers ! Ce roman-brûlot d’un provocateur impénitent raconte l’arrivée d’un million d’immigrants sur nos côtes. A l’heure où les exilés affluent vers Lampedusa, histoire d’un livre culte qui a fasciné Ronald Reagan et François Mitterrand.
Washington, tout début des années 1980. Le flamboyant patron du contre-espionnage français, le comte Alexandre de Marenches, rencontre son ami Ronald Reagan à la Maison-Blanche. Les deux hommes évoquent la guerre en Afghanistan. A la fin de la conversation, le comte tend au président des Etats-Unis un roman français (traduit en anglais) : « Vous devriez lire cela… » Quelques semaines plus tard, Reagan croise à nouveau Marenches et lui confie : « J’ai lu le livre que vous m’aviez donné. Il m’a terriblement impressionné… »
Un roman raciste?
« Il faut appeler Le Camp des Saints par son nom : un livre raciste. » Voilà ce qu’écrivait Daniel Schneidermann, début mars, dans Libération. Malgré un souffle incontestable (et pas mal de longueurs), le roman de Jean Raspail joue avec un sujet explosif : un million de migrants issus du continent indien viennent s’échouer en bateau sur la Côte d’Azur. Effrayés par cette « racaille », les Français « blancs » fuient, laissant le champ libre à cette masse « puante », qui se livrait déjà à un « gigantesque enculage en couronne » [sic] sur les bateaux et profite de nos hôpitaux, écoles et supermarchés, non sans violer quelques « Blanches » au passage. Elites politiques, religieuses et médiatiques (dont un journaliste inspiré de Jean Daniel, fondateur du Nouvel Observateur, nommé Ben Souad, « d’origine nord-africaine » et à la « peau bistrée ») ont démissionné. Seul un dernier carré de « Blancs » résiste. Et qu’ont-ils de plus pressé à faire avant de mourir ? Abolir la législation de 1972 sur la discrimination raciale… Par son lexique, sa brutalité et ses provocations, Le Camp des Saints est incontestablement un ouvrage d’extrême droite.
Bigre, quel est donc ce roman français capable d' »impressionner » le héraut du « monde libre » ? Il s’appelle Le Camp des Saints. Signé Jean Raspail, il est sorti en 1973. Et, depuis, cette épopée, qui raconte le débarquement apocalyptique d’un million d’immigrants entre Nice et Saint-Tropez, est devenue une sorte de livre culte. Mieux, depuis quelques semaines, ce roman sulfureux prend des allures de phénomène : sa huitième (!) édition, parue début février 2011, s’est déjà écoulée à 20 000 exemplaires, portée, notamment, par une longue apparition dans l’émission de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais. Il est vrai que les circonstances ont fourni des attachés de presse un peu particuliers à ce Camp des Saints : les milliers de pauvres Tunisiens accostant à Lampedusa sur leurs barques de fortune…
Royaliste et « ultraréactionnaire »
Bien calé dans un fauteuil en bois aux fausses allures de trône derrière le bureau de son appartement du XVIIe arrondissement, fume-cigarette à la main, Jean Raspail, 85 ans et une silhouette de jeune homme, savoure. « Je prends ma revanche, les événements confirment ce que j’avais imaginé », dit ce royaliste, qui se défend d’être « à l’extrême droite ». « Ultraréactionnaire », consent l’ancien explorateur à la moustache de major des Indes, entre sa vieille mappemonde, ses maquettes de bateau et l’étrange trophée en forme de lampe du prix Gutenberg, remis, en 1987, par une Anne Sinclair un peu réticente… Lui qui, dans l’immédiat après-guerre, a connu Ushuaia du temps où cette ville n’était qu’un vague fortin et qui a planté sa tente au milieu des ruines du Machu Picchu s’est toujours passionné pour le destin des peuples menacés.
Le Camp des Saints raconte-t-il autre chose ? « Ce livre a jailli en moi, sans plan préconçu, alors que l’on m’avait prêté une villa plongeant sur la Méditerranée », se souvient Raspail. Nous sommes en 1972 – le Front national n’a aucune audience, et le débat sur l’immigration n’existe pas. L’éditeur Robert Laffont s’emballe pour le livre. Il en imprime 20 000 exemplaires d’entrée et écrit une lettre spéciale aux 350 libraires les plus importants de France. Il fait tout pour obtenir un « papier » dans Le Monde des livres. En vain. Mais une certaine droite intellectuelle, plutôt « dure » – Jean Cau, Louis Pauwels, Michel Déon… -, lance le roman, qui se vend à 15 000 exemplaires à sa sortie. Score honnête. On aurait pu en rester là. Mais, en 1975, petit frémissement. Le livre redémarre. Les images des boat people vietnamiens ? Le débat sur le regroupement familial lancé par Valéry Giscard d’Estaing ? « Le Camp des Saints est un livre qui a eu de la chance, analyse son auteur. Un bloc de lecteurs a lancé un formidable bouche-à-oreille. La comédienne Madeleine Robinson m’a dit l’avoir offert au moins cent fois ! » On en arrive vite à 40 000 exemplaires vendus.
Le grand éditeur américain Charles Scribner le fait traduire en 1975. Succès. C’est ainsi, on l’a vu, qu’il atterrira entre les mains de Ronald Reagan. Un autre lecteur américain, et non des moindres, restera lui aussi marqué par ce roman : Samuel Huntington. Dans son célébrissime Choc des civilisations (Odile Jacob), le professeur de sciences politiques évoque le « roman incandescent » de Jean Raspail. Ces deux grands pessimistes se croiseront d’ailleurs à Paris, en 2004.
En France aussi, le livre poursuit son petit rythme de croisière – autour de 5 000 exemplaires par an. A telle enseigne, fait rarissime, qu’après être sorti deux fois en édition de poche (en 1981 et 1989), ce « long-seller » est ensuite réédité en grand format ! « Je suis un écrivain professionnel, justifie Raspail. Or, le poche ne rapporte rien. En grand format, je gagne un peu plus… » La dernière édition datait de 2002. Un an auparavant, le 20 février 2001, un bateau rempli de Kurdes était venu s’échouer très exactement à 50 mètres de la villa où fut écrit Le Camp des Saints. On s’attribuerait des dons de prophétie pour moins que ça… « Il y a un an, j’ai pensé que nous étions à un tournant de l’Histoire, dans la mesure où la population active et urbaine de la France pourrait être majoritairement extra-européenne en 2050, croit savoir Raspail. J’ai donc suggéré à Nicole Lattès, directrice générale de Laffont, de le rééditer avec une nouvelle préface. » Mais, lorsque les services juridiques de la maison d’édition découvrent ce texte, intitulé « Big Other », leurs cheveux se dressent sur leur tête : « Impubliable, nous risquons des poursuites pour incitation à la haine raciale ! »
Raspail, lui, refuse de changer la moindre syllabe. Et appelle à la rescousse un ami avocat, Jacques Trémollet de Villers, pas exactement un gauchiste lui non plus – il a notamment défendu le milicien Paul Touvier. Mais bon plaideur : lors d’une « réunion de crise », longue de deux heures, aux éditions Robert Laffont, il parvient à retourner l’assemblée. On publiera, donc. Mais assorti d’un avant-propos du PDG de la maison, Leonello Brandolini, qui justifie la décision tout en prenant prudemment ses distances avec le fond du livre…
Des lettres aussi bien de Malraux que de Sarkozy
Chose assez étrange, en effet, Le Camp des Saints a échappé jusqu’ici à toute poursuite judiciaire. L’adjonction de cette préface musclée pourrait agir comme un chiffon rouge. D’autant que Raspail, dans sa haine des lois « mémorielles » (Pleven, Gayssot…) n’a pu résister, à 85 ans, à une ultime provocation : indiquer lui-même, en annexe à la fin du roman, les passages susceptibles d’être poursuivis. Il en a compté 87…
« Si je suis attaqué, j’ai déjà préparé mon parachute », sourit l’octogénaire, en pointant le doigt sur un gros classeur noir qui ne quitte jamais son bureau. A l’intérieur, toutes les lettres de responsables politiques reçues depuis la sortie du Camp des Saints, en 1973. De Malraux à Sarkozy. Personne ne sait ce qu’elles contiennent. Le romancier se dit prêt à les produire dans le huis clos d’un tribunal. « Et on aura des surprises ! » promet-il, gourmand, en une menace à peine voilée. Si certaines ne sont que de polis accusés de réception – Sarkozy, Chirac, Fillon… -, d’autres témoigneraient d’une lecture attentive (n’excluant pas pour autant la critique). Et de citer François Mitterrand, Robert Badinter ou Jean-Pierre Chevènement… Le livre peut choquer, en effet. Il est, d’ailleurs, un lecteur qui a « sursauté » en relisant Le Camp des Saints, en 2011. C’est Jean Raspail lui-même. Verdict du Tonton flingueur royaliste : « Je n’en renie pas une ligne. Mais, il faut avouer, c’est du brutal ! »
LA PATRIE TRAHIE PAR LA RÉPUBLIQUE
J’ai tourné autour de ce thème comme un maître-chien mis en présence d’un colis piégé. Difficile de l’aborder de front sans qu’il vous explose à la figure. Il y a péril de mort civile. C’est pourtant l’interrogation capitale. J’ai hésité. D’autant plus qu’en 1973, en publiant Le Camp des saints, j’ai déjà à peu près tout dit là-dessus. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je crois que les carottes sont cuites.
Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu’« ils sont chez eux chez moi » (Mitterrand), au sein d’une « Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu’au basculement définitif des années 2050 qui verra les « Français de souche » se compter seulement la moitié la plus âgée de la population du pays, le reste étant composé d’Africains, Maghrébins ou Noirs et d’Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l’islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer.
La France n’est pas seule concernée. Toute l’Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas rapport de l’ONU (qui s’en réjouit), travaux incontournables de Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment , mais ils sont systématiquement occultés et l’Ined pousse à la désinformation. Le silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des institutions communautaires sur le krach démographique de l’Europe des Quinze est l’un des phénomènes les plus sidérants de notre époque. Quand il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui dans l’incurie des « gouvernances » et qu’il lui faudra affronter dans son âge d’homme…
Sans compter que les « Français de souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l’homme, de « l’accueil à l’autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes les dérives de l’antique charité chrétienne, n’auront plus d’autre ressource que de baisser les frais et de se fondre sans moufter dans le nouveau moule « citoyen » du Français de 2050. Ne désespérons tout de même pas. Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français et pas nécessairement tous de race blanche qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération. Cela ne leur sera pas facile.
Face aux différentes « communautés » qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c’est nous qu’on intègre à « l’autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte je cherche un terme approprié d’une communauté de la pérennité française. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore.
Cela ne plaira pas. Le clash surviendra un moment ou l’autre. Quelque chose comme l’élimination des koulaks par des moyens légaux appropriés. Et ensuite ?
Ensuite la France ne sera plus peuplée, toutes origines confondues, que par des bernard-l’ermite qui vivront dans des coquilles abandonnées par les représentants d’une espèce à jamais disparue qui s’appelait l’espèce française et n’annonçait en rien, par on ne sait quelle métamorphose génétique, celle qui dans la seconde moitié de ce siècle se sera affublée de ce nom. Ce processus est déjà amorcé.
Il existe une seconde hypothèse que je ne saurais formuler autrement qu’en privé et qui nécessiterait auparavant que je consultasse mon avocat, c’est que les derniers isolats résistent jusqu’à s’engager dans une sorte de reconquista sans doute différente de l’espagnole mais s’inspirant des mêmes motifs. Il y aurait un roman périlleux à écrire là-dessus. Ce n’est pas moi qui m’en chargerai, j’ai déjà donné. Son auteur n’est probablement pas encore né, mais ce livre verra le jour à point nommé, j’en suis sûr…
Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d’hommes politiques français concourent sciemment, méthodiquement, je n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France (évitons le qualificatif d’éternelle qui révulse les belles consciences) sur l’autel de l’humanisme utopique exacerbé. Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’Etat (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l’organisme encore sain de la nation française.
Même si je peux, à la limite, les créditer d’une part de sincérité, il m’arrive d’avoir de la peine à admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot renégat, mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la République. Les « valeurs républicaines » se déclinent à l’infini, on le sait jusqu’à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or la France est d’abord une patrie charnelle. En revanche, la République, qui n’est qu’une forme de gouvernement, est synonyme pour eux d’idéologie, idéologie avec un grand « I », l’idéologie majeure. Il me semble, en quelque sorte, qu’ils trahissent la première pour la seconde.
Parmi le flot de références que j’accumule en épais dossiers à l’appui de ce bilan, en voici une qui sous des dehors bon enfant éclaire bien l’étendue des dégâts. Elle est extraite d’un discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune Française issue de l’immigration, ce jour-là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République… »
Puisque nous en sommes aux citations, en voici deux, pour conclure : « Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. » (Président Boumediene, mars 1974.)
Et celle-là, tirée du XXe chant de l’Apocalypse : « Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée. »
[http://www.dailymotion.com/video/xf27i1_jean-raspail-le-president_news]
« Quand on représente une cause (presque) perdue, il faut sonner de la trompette, sauter sur son cheval et tenter la dernière sortie, faute de quoi l’on meurt de vieillesse triste au fond de la forteresse oubliée que personne n’assiège plus parce que la vie s’en est allée. » Le Roi au-delà de la mer
- Entrevue Par Patrice de Méritens pour le Figaro le 07/02/201
FIGARO – Sitôt après avoir lu votre roman, en 1973, Jean Cau s’interrogeait: «Et si Raspail, avec « Le Camp des Saints », n’était ni un prophète ni un romancier visionnaire, mais simplement un implacable historien de notre futur?»
Jean Raspail – Bonne question, à laquelle on frémirait de répondre par l’affirmative. C’est un livre inexplicable, écrit il y a presque quarante ans, alors que le problème de l’immigration n’existait pas encore. J’ignore ce qui m’est passé par la tête. La question s’est posée soudain : «Et s’ils arrivaient?» Parce que c’était inéluctable. Le récit est sorti d’un trait. Lorsque je terminais le soir, je ne savais pas comment j’allais poursuivre le lendemain. Les personnages ont surgi, inventés au fur et à mesure. De même pour les multiples intrigues. Henri Amouroux, passionné d’histoire et de démographie, s’est exclamé après lecture : «Ah, mon Dieu, je n’ai jamais vu de prophète de ma vie, vous êtes le premier!» Le livre se trouvait simplement en symbiose avec une question fondamentale, devenue aiguë aujourd’hui. Les tabous sont en train de sauter, témoin la passion qui se développe autour du procès Zemmour, dont on attend le jugement le 18 février. Il a été mis en cause pour une de ces phrases que l’on prononce rapidement lors des débats télévisés, dont le principe même est celui des pensées courtes, non argumentées, c’est la loi du genre. Assistant aux audiences, j’ai observé les multiples avocats des parties civiles s’opposer à l’unique défenseur de Zemmour. Un certain système liberticide – je n’aime guère ce mot : on se croirait dans les tirades de 1791… – poursuit par voie judiciaire ceux qui ne font que regarder la vérité en face. Tout un milieu s’agite ainsi, au nom de l’antiracisme, instrumentalisant un concept qui n’appartient qu’aux consciences. Ce milieu-là se crispe, se radicalise. Il ne veut rien céder. Il y sera obligé, le procès Zemmour générant un intérêt significatif du changement des mentalités. «Historien de notre futur», se demandait Jean Cau ? A Dieu ne plaise pour les péripéties du roman. Mais pour ce qui est du problème de l’immigration, nous y sommes.
Si le style de votre livre n’a pas pris une ride, votre façon de vous exprimer fait preuve d’une certaine brutalité qui appartient à une autre époque. On sursaute, à dire vrai, assez souvent…
Ne l’ayant pas ouvert depuis un quart de siècle, je vous avouerai qu’en le relisant pour sa réédition, j’ai sursauté moi-même, car avec l’arsenal de nouvelles lois, la circonspection s’est installée, les esprits ont été formatés. Dans une certaine mesure, je n’y échappe pas non plus. Ce qui est un comble ! Mais je ne retire rien. Pas un iota. Je me réjouis d’avoir écrit ce roman dans la force de l’âge et des convictions. C’est un livre impétueux, désespérant sans doute, mais tonique, que je ne pourrais plus refaire aujourd’hui. J’aurais probablement la même colère, mais plus le tonus. C’est un livre à part de tous mes autres écrits. On y trouve des accents à la Marcel Aymé, une dose de Shakespeare pour la bouffonnerie tragique, un peu de Céline, un peu d’Abellio, une touche de Jacques Perret. D’où vient cette histoire ? Elle m’appartient, et pourtant, elle m’échappe, comme elle échappera aux possibles poursuites : quelles que soient les procédures, ce roman existe. Il est sorti pour la première fois en librai rie trois mois après la loi Pleven, mais sans être inquié té, car c’était une époque où la liberté d’expression demeurait encore presque intacte. Les juges étaient réticents à sévir. Que des critiques littéraires m’aient trouvé odieux et infréquentable, c’était leur liberté, précisément. Mais avec les lois restrictives qui ont suivi – Gayssot (1990), Lellouche (2001), Perben (2004) – et la vigilance de la Halde, il est clair que Le Camp des Saints serait aujourd’hui impubliable, sauf à être gravement amputé. Je le rééditein extenso, à l’identique, page pour page, avec une préface racontant l’aventure de sa paru tion : comment il fut accueilli ; comment, malgré la réputation sulfureuse qu’il m’a valu, il est devenu au fil des ans un phénomène d’édition traduit dans de multiples langues ; comment Ronald Reagan et Samuel Huntington l’ont lu (il a fait partie de l’imaginaire du Choc des civilisations) ; et surtout comment des gens célèbres en France, à gauche comme à droite, ont pu le critiquer ouvertement, mais aussi, dans le secret d’une correspondance privée, me témoigner leur vif intérêt. Je m’interdis d’en dévoiler la teneur, sauf à la produire s’il y a éventuellement procédure, mais pour la seule édification confidentielle du tribunal.
On dirait presque que vous souhaitez vous retrouver sur le banc des accusés?
Je n’en ai pas envie, mais ce serait tentant. Comme pour une opération de salubrité publique. Nous vivons depuis trop longtemps dans un monde où tous ces gens qui participent au gouvernement ou au modelage de l’opinion pratiquent le double langage : l’un public et proclamé, l’autre personnel et dissimulé, comme s’ils avaient une double conscience, celle qu’on arbore comme un drapeau, et celle qui s’est réfugiée dans le maquis des pensées inavouables, qu’on n’exprime qu’en petit comité, et encore. Il y a aussi la sottise et la malhonnêteté. Qu’un Chirac, par exemple, évoque sans sourciller «L’Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes» laisse pantois. On l’imagine assez rad-soc, c’est sûr, mais un Edouard Herriot n’aurait jamais sorti une connerie pareille. J’ai donc envoyé un livre à notre ancien président de la République, en regrettant respectueusement dans ma dédicace qu’il n’ait pas lu Le Camp des Saints avant d’entamer son premier mandat.
A la décharge des politiciens de gauche comme de droite, ou plus exactement en guise de circonstances atténuantes (je le dis dans ma préface), il faut reconnaître que s’ils allaient à rebrousse-poil de la meute médiatique, showbiztique, droit-de-l’hommiste, enseignante, mutualiste, publicitaire, judiciaire, gaucho-chrétienne, pastorale, psy et j’en passe, ils signeraient à l’instant leur condamnation à la mort civile. Car, en face, s’agite une redoutable phalange issue du sein de notre propre nation, et pourtant tout entière engagée au service de « l’autre » : Big Other. L’hydre des bons sentiments et des manipulations, la bouillie de l’humanitaire, se nourrissant de toutes les misères humaines. A l’instar du cauchemar d’Orwell, Big Other vous voit, vous surveille. Il est le fils de la pensée dominante, il circonvient les âmes charitables, sème le doute chez les plus lucides, rien ne lui échappe. Pire, il ne laisse rien passer. Et le bon peuple comme ses édiles de le suivre, anesthésiés, gavés de certitudes angéliques, mais aussi secrètement terrorisés par les représailles s’ils venaient à s’éloigner des vérités affirmées. Ainsi Big Other a-t-il tordu le cou au « Français de souche », pour déblayer le terrain. Ainsi s’est-il fait le chantre d’un pseudo-métissage franco-français, entre régions en somme, puis avec nos premiers immigrants européens. « La France métissée », escroquerie historico-sémantique imposant un impudent amalgame, l’immigration de masse extra-européenne ne datant au plus que d’une cinquantaine d’années. Il est vrai que la France est le produit d’un superbe et bénéfique brassage, sur fond de sauce gallo-romaine, de Francs, de Burgondes, de Vikings, de Wisigoths, etc., puis d’Alsaciens, de Basques, de Catalans, de juifs d’Alsace et de Lorraine, de Bretons, de Provençaux, etc., puis d’Italiens, d’Espagnols, de Polonais, de Portugais – c’était l’Europe qu’elle invitait chez elle. Les voilà, les Français de souche ! Et s’ils se réveillaient aujourd’hui ? S’ils se révoltaient contre les doucereux oukases de Big Other, contre son conformisme mou, son totalitarisme universel au service de l’autre ?
Qui est l’autre?
Celui qui n’appartient pas à notre religion, à notre culture, à tout ce qui est constitutif de notre civilisation, et dont la présence en masse va profondément modifier la structure de notre pays. C’est le thème même de mon livre, en épigraphe duquel j’ai placé cette phrase extraite du XXe chant de l’Apocalypse : «Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée.» Loin du roman, dans l’exacte réalité qui est la nôtre, nous mesurerons la plénitude de l’immigration au tournant des années 2045-2050, lorsque sera amorcé le basculement démographique final : en France, et chez nos proches voisins, dans les zones urbanisées où vivent les deux tiers de la population, 50 % des habitants de moins de 55 ans seront d’origine extra-européenne. Après quoi, ce pourcentage ne cessera plus de s’élever, en contrecoup du poids des deux ou trois milliards d’individus, principalement d’Afrique et d’Asie, qui seront venus s’ajouter aux six milliards d’êtres humains que la terre compte aujourd’hui, et auxquels notre Europe d’origine ne pourra opposer que sa natalité croupion et son glorieux vieillissement.
Bon. Nous voilà passibles d’une accusation d’apologie de la xénophobie…
La démographie est fondée sur des données objectives. Et le romancier conserve ses droits : notamment celui de faire parler ses personnages. Mettre en scène un paysan ne fait pas de vous un cultivateur ; retracer la vie d’un chef de camp nazi ne vous rend pas complice de la Shoah ; raconter Gandhi ne vous transforme pas en saint laïc. Le Camp des Saints est une parabole où se condense le choc de toute conscience de Français de souche face à l’installation de la diversité. Moi aussi, malheureusement, je sais employer la langue de bois euphémistique de Big Other pour échapper aux poursuites : «l’installation de la diversité»! Dans le roman : cent bateaux s’échouant volontairement sur nos côtes, chargés chacun de dix mille personnes, avec environ deux mille morts squelettiques par navire jetés aussitôt par-dessus le bastingage, pour cause de maladie et de malnutri tion. A partir de là, s’enclenche le récit qui respecte les trois unités de temps, de lieu et d’action. Texte allégorique, où tout se dénoue en vingt-quatre heures sur près de 400 pages, alors que dans la réalité, il s’agit d’une infiltration sur plusieurs décennies. Face à ce mouvement, que je décris en accéléré, se révèle l’angoisse d’habiter ce pays, la France, auquel on est attaché par ses racines, par l’histoire, les souvenirs, les plaisirs, mais dont on ne pourra plus partager les valeurs essentielles avec les nouveaux arrivants. Ce qui était tenu sous le boisseau par Big Other par le biais des bons sentiments taraude désormais les consciences.
Le pays sera toujours là, avec ses cathédrales, ses jolis villa ges, avec certains changements dus au progrès, auxquels s’ajouteront les détériorations culturelles inhérentes aux moyens de communication modernes, mais la véritable méta morphose viendra de cette installation de populations hétérogènes avec notre autorisation, ou plus exactement notre renoncement. Voici venu le temps des bernard-l’ermite…
Bernard-l’ermite? Vous allez vous faire taxer de racisme…
Les bernard-l’ermite sont connus pour se protéger de leurs prédateurs en logeant dans des coquilles vides de mollusques. Vous voyez que la comparaison est extensive, et qu’elle ne saurait être assimilée à une insulte. A ce propos, mes futurs lecteurs pourront consulter en annexe, à la suite du roman, la liste des 87 motifs d’éventuelles poursuites judiciaires concernant Le Camp des Saints passé au crible des lois Gayssot, Lellouche et Perben. Je donne la pagination ainsi que le détail des lignes.
C’est une provocation?
Pour démontrer l’ineptie du rationnement de la liberté de penser. Comprenez bien : j’ai 86 ans, je n’ai plus rien à perdre. Il y a partout des crétins, beaucoup font du racisme primaire, odieux. J’ai commencé ma carrière comme explo rateur. On ne voyage pas énormément, comme je l’ai fait, on n’écrit pas une bonne dizaine de livres sur des peuples en ayant une démarche raciste, ce serait complètement idiot. Nous sommes à un tournant d’opinion, les mentali tés politiques peuvent changer, il est donc temps de republier ce livre. L’économiste et démographe Alfred Sauvy avait tout compris en 1987 avec L’Europe submergée. Sauvy, qui était de gauche ! C’est le moment. Il faut le faire maintenant.
Dans votre roman, vos héros canardent les envahisseurs, puis s’évadent de ce monde en mourant les armes à la main. Façon un brin égotiste de régler le problème. Reste la France. Comment la voyez-vous?
Une grande part de notre jeunesse est d’ores et déjà mutante, technologiquement, culturellement, et le processus de métis sage des corps est entamé. Je ne porte aucun jugement de fond, sauf à observer la modification d’un peuple. Il y a peu de temps encore, chaque population européenne avait un caractère donné, ainsi des Français. Mais avec l’instillation de gènes étrangers, l’établissement de comportements cultu rels et religieux venus d’ailleurs, avec l’auto-engendrement démographique, on ne peut que s’attendre à une plus grande prise de conscience des communautarismes. Rien n’interdit de penser qu’en seconde partie du XXIe siècle, une trentaine de millions de gens conscients de devoir transmettre des valeurs, une culture et, pour certains, une religion, qui ne sont plus partagées par la majorité, pratiquent une sorte de communautarisme français… Quel paradoxe ! Moi qui y étais tellement opposé, voilà que j’y suis favorable. Je ne verrai pas cette époque, je serai mort. Mais il est clair que nous, Français de souche, serons isolés. Existe-t-il, dans l’histoire, des peuples qui se seraient repliés sur eux-mêmes pour survivre et ressortir plus tard ? Je l’ignore. En Atlantide, peut-être ?
On peut imaginer aussi que ce grand brassage du futur fonctionnera?
Oui. Je n’en disconviens absolument pas.
Que répondez-vous au soupçon d’un frénétique égoïsme?
Que l’égoïsme est parfois une qualité. Garant de la famille et de notre intégrité, il nous permet de ne pas nous dissoudre. Nous assistons actuellement à une exacerbation laïque émotive de ce qui était autrefois la charité chrétienne, laquelle s’exerçait à l’égard de son prochain, mais pas à la terre entière. Autrefois, chez ma grand-mère, il y avait la place du pauvre, symbolique. Pas celle de millions d’affamés. La charité chrétienne a déjà commencé à nous perdre. Que faire ? Se barder d’égoïsme, voire d’un peu de cruauté. Rocard eut le courage, en son temps, de dire que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde. Message à faire passer à certains évêques. Mais il faut au surplus du caractère. Quand on voit deux cents élèves et leurs professeurs baisser les bras face à une poignée de voyous venus gifler quelques personnes, alors qu’il suffi sait d’un sursaut pour clore l’affaire, il apparaît que nous avons désormais une mentalité de moutons.
Rêvez-vous, tel le Cid, à une Reconquista?
Le Camp des Saints s’achève sur la constatation de l’ouverture absolue des frontières, le narrateur songeant à cette phrase mélancolique d’un vieux prince Bibesco : «La chute de Constantinople est un malheur personnel qui nous est arrivé la semaine dernière.» Eh bien, c’est cela. Je suis profondément de ce pays et vois avec douleur, partout, les pièces du puzzle enlevées. C’est odieux. Un rêve de reconquête ? Oui, j’en parle. Et je m’en tire face à Big Other par une pirouette en disant que c’est un roman qu’il faudrait écrire plus tard. En tous cas par quelqu’un d’autre. Je suis si heureux d’avoir vécu dix-huit siècles dans ce pays. Or voici que nous commençons une nouvelle ère et que nous n’en sommes qu’au premier siècle.
» Qu’arrive enfin sur la côte d’azur l’envahisseur venu du Gange et de tout les pays de famine et, hormis les purs dévoyés que nous verrons filer vers le Midi comme des incendiaires courent au feu, les petits braillards machinaux se contenteront de se déculotter comme papa tout en gueulant, selon leur stupide logique, que les coups de pied au cul, cela fait longtemps qu’on les cherche et qu’on ne les a pas volés ! En d’autres temps et d’une autre façon, la France n’avait rien fait d’autre sous Pétain. » Le Camp des saints
» Le tiers-monde dégouline et l’occident lui sert d’égout. » Le Camp des saints
» L’occident, c’était cela aussi, une certaine forme de pensée précieuse, une connivence d’esthètes, un conspiration de caste, une indifférence aimable au vulgaire. » Le Camp des saints
» Dans cette guerre raciale qui fait rage, la non-violence est l’arme de la multitudes. La violence celle des minorités attaquées. Nous nous défendrons. Nous serons violents. » Le Camp des saints
» Notre monde s’est formé dans une extraordinaire diversité de cultures et de races qui n’ont pu se développer, souvent jusqu’à l’ultime et particulière perfection, que par une nécessaire ségrégation de fait. Les affrontements qui en découlent et qui en ont toujours découlé ne sont pas des affrontements raciste, ni même des affrontements raciaux. Il font simplement partie du mouvement perpétuel des forces qui s’opposent et forgent ainsi l’histoire du monde. Les faibles s’effacent puis disparaissent, les forts se multiplient et triomphent. » Le Camp des saints
» Ecoutez ces jeunes vieillards de 20 ans et leurs prières atroces. Tous alignés sur le plus pauvre, le plus crotté, le plus stupide, le plus inutile, le plus malheureux et surtout, ne jamais hausser les yeux sur n’importe quoi d’un peu élevé, d’un peu personnel, c’est moins fatiguant. Quel que soit le monde qu’on veut construire, ce n’est pas ainsi qu’on y arrive. Et surtout, ne pas se hisser au-dessus de la foule sur les épaules du voisin, plutôt ramper à ras de terre, avec tout le monde. » Le Camp des saints
» Le racisme ? Une simple constatation de l’incompatibilité des races lorsqu’elles se partagent un même milieu ambiant, devenait aussitôt, pour la plupart de mes contemporains, un appel à la haine et un crime contre la dignité humaine. » Le Camp des saints
» Est-ce qu’on demande à un noyé où il va et pourquoi, avant de le tirer de l’eau ? Est-ce qu’on le rejette à la mer s’il avoue, au pire, qu’il nageait vers votre plage privée pour cambrioler votre villa ? –On le sort de l’eau et on le livre aux gendarmes. Pour un million de voleurs sortis de l’eau, de combien de gendarmes pourrez-vous disposer ? » Le Camp des saints
» L’homme qui se veut et se croit généreux n’ose plus devenir méchant et en crève. » Le Camp des saints
» Il n’y a plus de tiers-monde, voilà un mot inventé pour garder vos distances. Il y a le monde tout court, et ce monde-là sera submergé par la vie. Le tiers-monde n’est plus qu’un fleuve de sperme qui vient brusquement de changer de lit et coule vers l’occident. » Le Camp des saints
» Charité, solidarité, conscience universelle, mais lorsque je vous regarde je ne distingue en chacun de vous que mépris de vous-même et de ce que vous représentez. » Le Camp des saints
L’Opinion Indépendante – Interview
Vos héros romanesques sont des solitaires, des individualistes qui fuient la loi du troupeau en s’élevant contre la notion de “collectivité”. N’avez-vous pas l’impression qu’aujourd’hui l’individu est “roi”, qu’il y a eu une formidable atomisation et que le collectif a disparu ?
JR: Si l’individu est devenu roi, il n’a pas de royaume… Je ne crois pas à l’individualisme de maintenant. Tout le monde se ressemble de plus en plus. Les mentalités sont nivelées et il n’y a jamais eu autant de conformisme qu’aujourd’hui. Je ne parle même pas du “politiquement correct” et de toutes les tartes à la crème qui se baladent. Il est très difficile de s’opposer à ce genre de choses et à ce collectivisme rampant de la pensée parce qu’immédiatement le choeur des gardiens de la conscience universelle vous tombe dessus ! L’individu se replie sur lui-même mais c’est d’une façon égoïste. Il se replie sur lui-même mais il est exactement semblable à celui qui est à côté. Donc c’est de la blague ! Tout le monde pense de la même façon.
Lorsque Le Camp des saints a été publié en 1973, beaucoup ont dit que ce roman était prophétique. Avez-vous le sentiment que ce que décriviez est arrivé ?
JR:Non, pas du tout. En fait, ce n’est pas un livre prophétique. C’est une sorte de symbole ou de parabole. Si on prend le récit au pied de la lettre, je me suis trompé puisque cet envahissement pacifique de l’Occident par le Tiers-Monde se produisait avec l’arrivée subite par bateaux de trois millions de personnes. Cela ne se passe pas du tout de cette façon-là. D’autre part, Le Camp des saints se déroulait dans une unité de temps et de lieu. Aujourd’hui, ces mouvements se produisent sur de longues distances. C’est pour cela qu’il faut prendre le livre pour une parabole. En revanche, ce qui reste important dans ce roman ce sont les réactions de l’Occident. Ces réactions sont presque toutes foireuses. Il y a une espèce de paralysie de l’action et de la pensée car on ne peut pas s’opposer à des gens pauvres et affamés. C’est ça le thème. Il n’est ni chrétien ni charitable de s’opposer. Au nom de quoi ? Or, on pourrait penser que si l’on veut s’y opposer – pour des raisons bonnes ou mauvaises – on a le droit de le faire. Il y a autant de raisons de se défendre que de raisons de lâcher. Là où Le Camp des saints a une certaine valeur prophétique c’est qu’il a anticipé les réactions d’aujourd’hui.
Dans vos romans, on trouve une recherche ou une célébration – parfois teintée de mélancolie – d’un monde perdu, d’un royaume souvent imaginaire. Cette célébration, de ce qui n’est pas ou qui n’est plus, semble paradoxalement plus vivante et plus tonique que la croyance au paradis à venir …
JR: Dans mes romans, les gens vont chercher ailleurs et ailleurs il n’y a rien. Puis, il y a une sorte de dernier carré formé par des gens qui ont du panache… Et tout cela ne sert plus à rien.
Dans Le jeu du roi, il y a une expression qui définit bien votre univers, c’est “orphelins du rêve”. Rencontrez-vous encore de ces orphelins du rêve ?
JR: Il y a moi ! Nous sommes dans un monde où il est très difficile de se projeter dans une existence rêvée. Je ne parle pas du rêve du type qui pense qu’il va gagner au loto. Ce monde-ci ne permet pas du tout le rêve. ce qui explique tout ce désarroi, dans la jeunesse en particulier. C’est quand même épatant d’avoir été jeune il y a une centaine d’années quand ce monde s’ouvrait complètement, où l’on pouvait découvrir je ne sais quoi, où il y avait des terres à prendre de partout… C’était extraordinaire ! Aujourd’hui, le seul rêve de conquête ou de dépassement complet c’est l’espace – qui est un univers de machines – ou alors la vie mystique intérieure. Je n’en vois pas d’autres. On ne sait plus où projeter nos rêves. En écrivant mes livres, je me raconte des histoires à moi-même. Mes livres racontent à peu près la même histoire : la recherche d’un rêve absolument irréalisable.
Propos recueillis par Christian Authier
[http://www.youtube.com/watch?v=fxH8qr9tAjk]
Dans Valeurs Actuelles de jeudi 23 décembre 2010, Jean Raspail écrit :
« Au IIIe siècle, déjà, il existait un évêque à Bahreïn, des missions au Yémen, un patriarche en Arménie… Le christianisme avait gagné l’essentiel de l’Égypte, de la Palestine, de la Syrie, de l’Asie mineure, et peu de temps après il s’aventurait jusqu’au Caucase, en Perse, sur les rivages de l’Inde et même aux confins chinois. C’est dire l’énorme avance que les chrétiens d’Orient ont sur l’Occident chrétien. Ils sont plus que nos frères : ils sont nos pères, nos grands anciens. Au¬jourd’hui que l’His¬toire s’est retournée contre eux et que l’immense et longue vague de l’islam et ses bouillonnements de violence n’en ont plus laissé, çà et là, que des braises dis¬persées autour de quelques foyers en¬core vivaces, que faire pour les chrétiens d’Orient ?
Sans réfléchir, je répondrais d’abord : soutenir ceux qui déjà, sur place, les appuient, L’Œuvre d’Orient, l’ordre de Malte, l’Aide à l’Église en détresse et tant d’autres associations courageuses et dés¬intéressées qui se rappellent à nous, dans nos boîtes aux lettres, en cette fin d’année. C’est bien le moins. Ça ne suffit pas.
Pétitionner, s’agiter, vibrionner, en se figurant que ça peut servir, en y côtoyant les professionnels de l’indignation ? Écrire des articles comme celui que présentement vous lisez, des “libres opinions”, des “appels”, dont on sait d’avance qu’ils n’impressionnent per¬sonne et à plus forte raison pas les persécuteurs eux-mêmes ? Tenter, par ces pauvres moyens, de convaincre d’agir les gouvernements de nos pays “chrétiens”, à commencer par le nôtre ? On sait comment tout cela se termine, en vaines paroles sitôt ba¬layées par les impératifs de “l’équi¬libre mondial” où le sort des chrétiens d’Orient compte pour rien. Le temps n’est plus où le saint roi Louis engageait, sur parchemin, sa promesse de protection aux maronites du Liban.
Prier ? Cela, c’est mieux. On approche du vrai. Encore que les prières qui se sont élevées sous la voûte de Notre-Dame de Paris, où sept cierges brûlaient nuit et jour, n’ont pas sauvé les moines de Tibéhirine, à l’image de tant d’autres victimes avant eux, et après eux…
Mais imaginez qu’un jour donné, tous les chrétiens du monde, et en premier lieu les catholiques, se mettent à prier d’une même voix pour leurs frères d’Orient, publiquement, leurs hiérarchies en tête, églises et temples bondés, cloches sonnant à la volée, processions de masse, un milliard de fidèles, un milliard et demi, qui proclament leur peine, leur solidarité, leur révolte. Le nombre. Le nombre visible. La puissance du nombre… Peut-être les gouvernements des pays où sévissent persécuteurs et assassins se décideraient-ils alors à revoir leur pesée des plateaux de la balance ?
C’est du roman ? En effet. Je suis ro¬mancier. À moins que les chrétiens d’Orient ne se résignent à un exil définitif, si vous voyez d’autres moyens… »
Œuvres
- Terre de Feu – Alaska (1952) – récit d’aventures
- Terres et Peuples Incas (1955)
- Le Vent des Pins (1958)
- Terres Saintes et Profanes (1960)
- Les Veuves de Santiago (1962). Nouvelle édition illustrée par Yann Méot, 260 p., Via Romana, Versailles, 2010 (ISBN 978-2-916727-79-0)
- Hong-Kong, Chine en sursis (1963)
- Secouons le cocotier (Robert Laffont, 1966) – récits de voyage. Nouvelle édition, Via Romana, Versailles, 2012 (ISBN 979-10-90029-36-1)
- Secouons le cocotier : 2, Punch Caraïbe (1970) – récits de voyage
- Bienvenue Honorables Visiteurs (le Vent des pins) (1970) – roman
- Le Tam-Tam de Jonathan (1971) – nouvelles
- L’Armada de la Dernière Chance (1972)
- Le Camp des saints (Robert Laffont, 1973) – roman
- La Hache des Steppes (1974)
- Journal Peau Rouge (1975)
- Nuage Blanc et les Peaux-Rouges d’aujourd’hui (1975) – signé Aliette et Jean Raspail
- Le Jeu du Roi (1976) – roman
- Boulevard Raspail (1977) – chroniques
- Les Peaux-rouges aujourd’hui (1978)
- Septentrion (1979) – roman
- Bleu caraïbe et citrons verts : mes derniers voyages aux Antilles (1980)
- Les Antilles, d’île en île (1980)
- Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (1981) – roman Grand prix du roman de l’Académie française
- Les Hussards : histoires exemplaires (1982)
- Les Yeux d’Irène (1984) – roman
- Le Président (1985) – roman
- Qui se souvient des hommes… (1986) – roman, Prix Chateaubriand (1986) et Prix du Livre Inter (1987)8
- L’Île bleue (1988)
- Pêcheurs de Lune (1990)
- Sire (1990) – roman, Grand prix du roman de la Ville de Paris (1992) et Prix Alfred de Vigny (1992)
- Vive Venise (1992) – signé Aliette et Jean Raspail
- Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée (1993) – roman (communément appelé Sept cavaliers…)
- L’Anneau du pêcheur (1995) – roman, Prix Prince-Pierre-de-Monaco (1996) et Prix Maison de la Presse (1996)
- Hurrah Zara ! (1998) – roman, Grand prix littéraire de la Ville d’Antibes Jacques Audiberti (1999)
- Le Roi au-delà de la mer (2000) – roman
- Adiós, Tierra del Fuego (2001)
- Le Son des tambours sur la neige et autres nouvelles d’ailleurs (2002)
- Les Royaumes de Borée (2003) – roman
- En canot sur les chemins d’eau du roi, une aventure en Amérique (2005), éditions Albin Michel – récit de voyage, Prix littéraire de l’armée de terre – Erwan Bergot en 2006