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Marc Edouard Nabe

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« Un anarchiste est celui qui a un tel besoin d’ordre qu’il n’en admet aucune Parodie. » On ne fait pas de littérature avec des bons sentiments. Eloignez les belles âmes. Son mépris pour la modération est sans limite. Sa philosophie est celle de l’excès. Il ne connaît que deux mots : l’amour et la haine. Son manichéisme est artistiquement assumé. Il n’apprécie pas, ne tolère pas, ne dénigre pas, ne condamne pas, ne désavoue pas, n’estime pas… Il aime et hait. Admire et méprise. Pour Nabe, se situer entre les deux, c’est déjà ne pas être.

 « Vous savez qu’entre deux mots, et quel que soit mon sentiment, je choisis toujours le plus péjoratif, sinon je ne peux écrire. » L’anti-édition est devenue sa prison idéale de Nabe : commercialement, il a du mal à agrandir son cercle de lecteurs puisque tout le monde, pour le punir de cette liberté inadmissible, le snobe en l’occultant ou alors le traîne en diffamation ; mais artistiquement, il est l’auteur le-plus-libre-du-monde : il dit souvent être au Paradis quand tous les autres seraient en Enfer. La prison mène à tout, il suffit de ne jamais en sortir. Exister vraiment, c’est être capable de sentiments exacerbés. Nabe est partisan d’une subjectivité absolue. Etre pour Nabe, c’est faire en sorte que les autres ne soient pas, c’est se saisir de leurs vies et les ramener à la sienne propre. L’écrivain est généreux. Peu l’ont compris. Nabe s’en fout. Il nous emmerde tous. « Si j’étais sûr que le monde disparaisse avec moi, je me flinguerais sans sourciller. Mais je méprise le suicide. Et je vous emmerde. »

 « Toute littérature est de droite. Toute poésie est foncièrement fasciste. Si dans la rue, la civilisation nous pousse à pratiquer une politique de gauche, dans la créativité, il n’est d’autre solution que d’être d’extrême extrême droite. De gauche dans le quotidien et de droite sur le papier. Un créateur ne peut travailler dans la justice. L’Egalité, la Liberté, la Fraternité, il connaît pas. J’estime que tout artiste est fasciste. C’est trop facile à démontrer. C’est l’exigence intime. Le fascisme est la seule issue pour un artiste. »

Marc-Édouard Nabe, de son vrai nom Alain Zannini, est né le 27 décembre 1958 à Marseille, au retour de ses parents de New York où ils ont vécu quatre ans et où il a été conçu.
D’origine gréco-turco-italienne par son père et corse par sa mère, Alain est baptisé catholique le 8 février 1959 à Notre-Dame-du-Mont sur l’ordre de sa grand-mère orthodoxe. A l’âge de quatre ans, le fils unique est séparé de sa mère, tombée malade, et de son père, qui poursuit son activité de musicien de jazz, et est placé plusieurs mois dans un établissement pour enfants de tuberculeux à l’isolement. Retrouvant ses parents dans le quartier du « Racati » de Marseille, il est élevé dans une école d’application communiste. Il étudie le piano au Conservatoire, mais son goût pour le dessin semble le destiner plutôt à une carrière de peintre et de dessinateur. Il fait des voyages et des croisières où l’orchestre de son père est engagé: aux sports d’hiver et en Afrique notamment.

En 1970, la famille s’installe à Paris au moment de la sortie du tube Tu veux ou tu veux pas, qui rend son père Marcel Zanini célèbre. Dès sa jeunesse, « Nabe », comme l’appellent ses camarades de lycée à cause de sa petite taille (nabot), côtoie de grands musiciens de jazz, mais aussi des artistes de music-hall, et les dessinateurs Siné, Fred, Gir… À quinze ans et demi, il va frapper à la porte d’Hara-Kiri et est accueilli par Wolinski, Choron et Gébé qui publient ses premiers dessins en couleurs. Le 23 janvier 1975, un de ses dessins fait la une de Libération.

C’est sur l’insistance de son père qu’il n’abandonne pas la musique et se met au trombone, à la batterie et finalement à la guitare rythmique dans le sillage de Freddie Green et avec ses encouragements. Après trois mois de pratique, Nabe participe aux côtés de Sam Woodyard et de Milt Buckner à l’enregistrement d’un disque de son père, où il joue dans un morceau.

C’est pendant son service militaire à Charleville-Mézières (1979-1980), à l’issue duquel il rencontre Hélène, qu’il rédige son premier livre. Après cinq ans d’atermoiements de la part de différents éditeurs, y compris Gérard Bourgadier et Philippe Sollers chez Denoël.

Au régal des vermines est enfin publié le 25 janvier 1985 chez Bernard Barrault sous son surnom « Nabe » complété par ses deux autres prénoms, Marc et Édouard.

L’émission Apostrophes de Bernard Pivot où il passe le 15 février 1985 pour le présenter provoque un véritable scandale. Georges-Marc Benamou vient dans le studio le frapper de plusieurs coups de poing, lui déchirant la rétine de l’œil gauche. La Licra lui intente, ainsi qu’à son éditeur, un procès pour « diffamation et incitation à la haine raciale » (elle sera déboutée en 1989). Nabe est alors considéré comme un antisémite et un écrivain d’extrême droite.

En 1986, sans se laisser abattre, il publie, toujours chez Barrault, son deuxième livre, Zigzags, un recueil de textes de divers genres (essais, nouvelles, poèmes en prose…), puis la même année chez Denoël un livre sur le jazz (L’Âme de Billie Holiday), et au Dilettante un recueil d’aphorismes (Chacun mes goûts). Tout en écrivant régulièrement dans la revue L’Infini, il travaille à son premier roman, Le Bonheur, qui paraîtra en 1988 chez Denoël. Il publie en 1989 au Dilettante La Marseillaise, texte sur le saxophoniste de free jazz Albert Ayler.

À cette même époque, il participe à l’hebdomadaire de Jean-Edern Hallier L’Idiot international. Il y attaque avec violence des personnalités comme Élisabeth Badinter, Serge Gainsbourg ou l’abbé Pierre. Ce dernier texte en particulier crée un tollé jusqu’au sein de la rédaction de L’Idiot : Hallier soutient Nabe contre sa propre équipe et publie un texte de défense de l’article dans le numéro suivant. En février 1990, sa dernière collaboration à ce journal est « Rideau », pamphlet sur l’univers médiatique.

C’est en 1991 que Nabe’s Dream, le premier tome de son journal intime tenu depuis 1983, paraît aux éditions du Rocher à l’initiative de Jean-Paul Bertrand, son directeur, qui entame avec Nabe une relation durable en le mensualisant pour qu’il puisse continuer son travail d’écriture. Il vit à cette époque au 103, rue de la Convention, adresse que rejoindra bientôt Michel Houellebecq alors inconnu.

http://www.alainzannini.com/index.php?id=132&option=com_seyret&task=videodirectlink

Parallèlement, en 1992, il publie à « L’Infini », Gallimard, le récit de son séjour de 1988 en Turquie en quête de ses racines, Visage de Turc en pleurs, et, au Rocher, L’Âge du Christ, qui relate son voyage à Jérusalem l’année précédente, où il est allé faire sa première communion. En cette même année, deux autres livres encore : Rideau et Petits Riens sur presque tout.

Le deuxième tome de son journal, Tohu-Bohu, paraît en 1993. Ainsi qu’au Dilettante Nuage sur Django Reinhardt. En 1995, il publie chez Gallimard un roman sur la femme de Céline, Lucette, puis, au Rocher, une longue préface au Théâtre choisi d’Henry Bernstein. En 1996, sort le troisième tome de son journal, Inch’ Allah.

En 1998, Nabe écrit un roman sur le suicide, Je suis mort (« L’Infini », Gallimard).

La même année et l’année suivante paraissent successivement deux recueils de tous ses articles dans diverses revues (Oui et Non), un autre de contes (K.-O. et autres contes) illustrés par Vuillemin, un autre encore de poésies (Loin des fleurs) et un dernier d’ interviews (Coups d’épée dans l’eau).

En 2000, c’est la publication du quatrième et dernier tome de son journal intime, Kamikaze, qui s’achève par la naissance de son fils Alexandre en 1990. En septembre 2000, il part « finir le millénaire » à Patmos en Grèce, l’île où saint Jean écrivit l’Apocalypse, et y reste sept mois en exil pour écrire un roman sur l’identité. Il quittera l’île le 7 avril 2001, après avoir brûlé les cahiers de son journal intime inédit recouvrant les années 1990-2000.

De retour à Paris, il assiste aux attentats du 11 septembre 2001 qui lui inspirent un pamphlet intitulé Une lueur d’espoir, publié en novembre 2001 au Rocher, et qui à ce jour constitue son plus grand succès de vente malgré une nouvelle réputation qui ne cessera d’enfler, celle d’un Nabe d’extrême gauche pro-islamiste et pro-terroriste.

En 2002 sort au Rocher (après 19 refus de la part des principales maisons d’édition parisiennes) son roman écrit à Patmos, Alain Zannini, que l’Académie Goncourt, pour contourner le boycott des critiques, inscrit aussitôt sur sa première liste.

En mars 2003, il part pour l’Irak assister aux bombardements américains sur Bagdad et entame un travail d’écriture en direct des événements contemporains. Il en rapportera le roman Printemps de feu, sorti au Rocher dès septembre 2003. Il crée sur sa lancée un journal distribué en kiosque, La Vérité, co-dirigé par Anne-Sophie Benoit avec des dessins de Vuillemin, et pour lequel le « terroriste » emprisonné Carlos écrit des éditoriaux depuis sa cellule. La Vérité est interrompue au quatrième numéro par un procès intenté et gagné par le trotskyste M. Lambert. Nabe finit l’année au Liban et en Syrie où il s’était déjà rendu précédemment. Nabe publie son dernier livre aux éditions du Rocher, J’enfonce le clou, recueil des articles publiés dans La Vérité augmenté d’inédits.

En 2005, Jean-Paul Bertrand vend les éditions du Rocher au pharmacien toulousain Pierre Fabre qui met fin aux mensualités de Nabe. Se retrouvant du jour au lendemain sans ressource et sans éditeur, Nabe intente un procès aux nouveaux propriétaires du Rocher.

Cassé dans son rythme de publication (un livre nouveau par an en moyenne), Nabe se contente alors de rééditions. En 2006, Dominique Gaultier, du Dilettante, lui réédite son premier livre Au régal des vermines que l’auteur agrémente d’une préface, « Le vingt-septième livre », et Léo Scheer compose avec Angie David un volume de ses Morceaux choisis. En 2007, Denis Tillinac reprend L’Âme de Billie Holiday dans la collection « La Petite Vermillon » à La Table ronde, ce qui en fait le seul livre de Nabe en poche.

En attendant l’issue du procès, Nabe s’exprime sur des sujets d’actualité à travers des tracts imprimés, distribués gratuitement dans les rues ou affichés sur les murs de différentes villes, et repris sur bon nombre de sites et de blogs. L’équipe qui compose, imprime et diffuse les tracts demeure anonyme. Fin 2006, il va au Sénégal donner une conférence sur Impressions d’Afrique de Raymond Roussel dans une école de Dakar, à Pikine.

En 2007, il organise une exposition d’une cinquantaine de portraits d’écrivains et de jazzmen (28 tableaux vendus). A la fin de l’année, il va en Mauritanie, et prend position dans la presse locale pour l’annulation du rallye Paris-Dakar.

Fin 2008, le procès contre Le Rocher est gagné : Nabe récupère les droits de tous ses livres édités par la maison entre 1991 et 2004, soit 16 titres et la préface au théâtre d’Henry Bernstein. Avec les deux titres chez Barrault, un Gallimard et deux Denoël, le nombre de livres lui appartenant se monte ainsi à 22.

Décidé à ne plus revenir dans le système éditorial, il publie symboliquement en janvier 2009 au Dilettante un dernier livre en édition « conventionnelle », Le Vingt-Septième Livre, qui n’est autre, en plaquette séparée, que la préface de 2006 à la réédition du Régal des vermines. Désormais, sur la lancée de ses tracts, Nabe annonce qu’il « publiera » lui-même ses futurs livres, et qu’il rééditera les anciens dont les droits lui appartiennent. Une deuxième exposition de ses peintures sur l’Orient se tient à l’office du tourisme du Liban du 5 mars au 4 avril (31 tableaux vendus).

Après un été passé au Maroc (sur les traces de Jean Genet) et en Sicile (sur celles de Pirandello), Nabe assiste à l’ahurissant matraquage journalistique pour la remise programmée du prix Goncourt 2010 à son ex-voisin Michel Houellebecq. Aucun autre livre n’existe en cette rentrée sauf… L’ Homme qui arrêta d’écrire placé, à la surprise générale, par Franz-Olivier Giesbert sur les deux dernières listes du prix Renaudot.

C’est la première fois qu’un livre auto-édité est en lice. Les retombées médiatiques sont énormes et le roman de Nabe arrive en finale. Le duo Houellebecq-Goncourt / Nabe-Renaudot se précise jusqu’au matin du 8 novembre. Malgré les soutiens de F.-O. Giesbert, de Patrick Besson et de J-M-G Le Clézio (Prix Nobel) qui a voté 11 fois pour Nabe, le Prix Renaudot lui échappe à une voix près et est décerné à Virginie Despentes (Grasset).

Une « cataracte galopante », rare à 51 ans, lui est diagnostiquée. Opéré des deux yeux en décembre 2010 et janvier 2011, lui qui portait des lunettes de myope depuis l’âge de cinq ans, n’en porte plus et (re)découvre le monde.

Nabe passe le mois d’avril 2011 en Tunisie pour comprendre sur le terrain les révolutions arabes.
En mai, Marc-Edouard Nabe devient également le nom d’une société : la « SARL Marc-Edouard Nabe » qui vend ses propres livres.
Le 7 octobre est mis en vente son nouveau livre : L’Enculé, le premier roman sur l’Affaire Strauss-Kahn. Le premier tirage de 2000 exemplaires est épuisé en un mois. Par peur des procès (qui n’arriveront pas), les principaux alliés médiatiques de Nabe (Taddeï, Ardisson, Dupuis…) se défilent. Seul Eric Naulleau invite Nabe à la télévision.

En 2012, la polémique reprend fort. D’abord par une conférence, interdite par la municipalité, que Nabe donne le 2 mars à Lille avec Tariq Ramadan sur les révoltes arabes. Ensuite par une vidéo sur le site Oumma.com (26 mars) où Nabe déclare la guerre aux « complotistes » qui le couvrent d’injures sur Internet parce qu’il récuse la version d’un 11-Septembre fomenté et exécuté par les Américains eux-mêmes.

Dix ans après avoir écrit une Lueur d’espoir, et à cause d’une campagne de calomnies principalement alimentée par Alain Soral, Nabe est considéré soudain comme un « agent de l’Empire américano-sioniste », et dénoncé comme « ennemi des musulmans » par des « Beurs » adeptes de la théorie du complot et plus ou moins séduits par l’extrême-droite.

*** CITATIONS ***
«Je suis un loser, ce qu’on appelle un écrivain à insuccès, un worst-seller… J’ai complètement raté mon destin d’écrivain. J’ai écrit vingt-six livres totalement inutiles : personne ne les a lus, ou si peu. Flops sur flops. On ne me connaît que par ouï-dire. Je marche par le bouche-à-oreille; mais souvent la bouche est cousue et l’oreille bouchée… La plupart des libraires m’enfouissent comme si j’étais un déchet nucléaire !

J’ai publié mon premier livre il y a vingt ans, et depuis, chaque fois que j’en publie un nouveau, c’est comme si je publiais mon premier puisqu’on a nié le précédent. À partir du moment où c’est un livre de moi, il est voué à la négation instantanée. Sur la couverture, il y a toujours quelque chose qui gêne : c’est mon nom. C’est magique, il suffit que vous prononciez mon nom pour que tout se ferme. Mon nom, c’est l’anti-Sésame. «Sésame, fermé-la !» La consigne me concernant, c’est : motus. On ne me prononce pas. On ne se prononce pas non plus sur moi. Ça ne se fait pas, c’est incongru. Mon nom est un gros mot…»

Woman

« Toutes les belles femmes sont de droite.

Même celles qui se prétendent de gauche. »

Race

« La LICRA, vous savez ce que c’est ? Ce sont des gens qui se servent du monceau de cadavres d’Auschwitz comme du fumier pour faire fructifier leur fortune. »

« En Afrique du Sud, ça barde dur. C’est une question de jours. Ils vont bien finir par tous les foutre dehors ces blancots de merde, reprendre leur pays, renoircir leur paradis bordel ! Allez-y les mecs, égorgez-moi ces faces de navets, qu’il ne reste plus un seul Blanc en Afrique ! »

Nationalisme

« Fasciste et pourquoi pas ? Anarcho-fasciste. C’est dans le drapeau noir que se taillent les plus belles chemises. Je crois bien avoir trouvé la jointure de l’anarchie et du fascisme. Pour un anarchiste, seul enseignement : le fascisme. Moi il y a longtemps que je ne lis plus que de la littérature la plus fasciste possible… Ils ont tous peur de se demander pourquoi systématiquement, les plus grands écrivains viennent de l’extrême droite absolue. Ça les effraie d’y deviner une causalité sulfureuse ! Pauvres cons ! Restez bien dans vos préjugés de gauchistes de merde !…

Et l’extrême droite est encore démocratique. Le fascisme est beaucoup plus loin, hors de l’hémicycle. La gauche est maintenant au centre de la droite. Tout a dévié. Après l’extrême gauche, il y a l’anarchie. Après l’extrême droite, il y a le fascisme. Les plus forts sont ceux qui trempent en même temps leur plume dans les deux encres. »

« Fasciste ! Que cette insulte est douce à mes oreilles affûtées par la musique des écrivains maudits !… J’ai suffisamment étudié cette épithète pour en assumer les conséquences. Dans notre époque fascistissime, tout ce qui n’est pas fascistement dans la ligne postgauchiste est taxé de fascisme : logique. »

Conservatisme

« … puis nous attaquons une discussion politique. Jean-Pierre nous expose son programme.

– Si j’avais le pouvoir, ce serait très simple… Suppression de l’impôt sur la fortune. Des lois Auroux. Des lois Quillot. Réactualisation des barèmes des impôts sur le revenu en fonction de l’inflation réelle et non pas de celle des indices truqués. Diminution de l’aide au chômage. Diminution de l’assistance. Diminution du budget de l’Etat. Mise à la porte des quatre-vingt mille fonctionnaires qu’ils ont embauchés. Analyse de tous les postes inutiles dans le secteur tertiaire et lutte contre la bureaucratie. Dénationalisation des entreprises nationalisées. Intervention des militaires éventuelle lorsque les grèves sont abusives et paralysent le pays. Révision des droits de grève pour certains services qui sont indispensables au fonctionnement du pays. Libération des prix immédiate. Possibilité de licencier dans toutes les entreprises. Mais de réembaucher aussi, bien entendu. Maintien de l’Ecole libre. Suppression de certains avantages sociaux. Diminution des cotisations patronales et salariales à la Sécurité sociale et possibilité de s’assurer, mais à titre individuel. Incitation au retour au pays des trois quarts des travailleurs étrangers. Suppression du contrôle des changes. Suppression du ministère du Temps libre. Incitation à la femme au foyer. Mise à la porte des 90% du secrétariat féminin. Lutte contre la fraude fiscale. Mise à l’impôt de tous les agriculteurs de France. Lutte contre tous les mouvements corporatistes. Restauration de la peine de mort. Aération de la hiérarchie des salaires. Suppression du Smig…

– Ce n’est plus un programme, c’est un pogrom ! me risqué-je.

– Oh ! Toi, ça va… »

Critique et extraits du nouveau roman de Marc-Edouard Nabe : « L’enculé »

Posted on 16/10/2011 par

Je suis un enculé : c’est souvent ceux qui enculent les autres qu’on traite d’enculés. Moi, je mérite bien ce nom, à bien des titres. Je vais raconter ici comment un enculeur s’est fait enculer. Et ce ne sera pas du roman, tout sera vrai, enfin selon moi. Après avoir enculé le monde entier, je me suis fait enculer aux yeux de ce même monde, entier.

Ce roman nous ramène à l’Affaire, il est écrit entièrement à la première personne, dans la peau et la tête (à peu de choses près, c’est pareil) d’un certain DSK. De son réveil ce fameux 14 mai 2011 dans la chambre 2806 du Sofitel de New-York, nous suivons les tribulations du personnage jusqu’à son retour en France.

– D’abord, vous ne devez rien dire et surtout ne pas donner votre version. On la modèlera au fur et à mesure de l’évolution de l’affaire et on la livrera quand on ne pourra absolument plus faire autrement. Le plus tard possible.
– L’idéal, ce serait que vous ne la donniez jamais ! ajoute son comparse barbu.
– Bon, très bien, dis-je, mais sortez-moi d’ici tout de suite, avant que ça ne s’ébruite en France.
Taylor et Brafman se regardent, l’air gêné.

Affaire hyper-médiatisée, où tout a été déjà dit et re-dit pensez-vous ? Certes, mais de l’extérieur et uniquement à travers le filtre ultra-déformant des médias… On n’a en revanche pas su comment DSK et son entourage (principalement Anne Sinclair) avaient vécus ces péripéties de l’intérieur… Grâce à Marc-Edouard Nabe, maintenant on sait ! Tous les noms sont vrais, toutes les dates sont respectées et la plupart des faits sont avérés, mais Nabe, avec son filtre ultra-reformant de romancier politiquement carrément incorrect, rempli les vides de ce que l’histoire officielle ne nous a pas raconté, de ce dont l’intéressé lui-même ne parlera jamais.

Le procureur adjoint, une «nuque rouge», lit mes actes maintenant… Je fais mon batracien, mon caméléon jaune. Tout cela est comme dans une autre réalité et pourtant c’est la bonne, en plein dans le mille de ce qui est. Sans doute que tout le monde, je dis bien le monde, se pince pour croire que j’ai fait tout ça. L’énormité de l’énoncé emporte tout dans une sorte de dramatisation instantanée. La verbalisation des actes est toujours une exagération, même pour les pires assassinats, le fait de les dire les amplifie, les hypertrophie, leur donne une réalité, un réalisme même, que le vrai, quel que soit son aspect sordide, ne peut atteindre, car la réalité ne s’exprime pas par des mots, mais par les actes. Les faits sont indicibles, c’est leur boulot…

Et quel meilleur guide pouvions-nous souhaiter que Marc-Edouard Nabe pour nous mener au travers des méandres de cette histoire et de la personnalité même de l’ex-patron du FMI ?! Alors qu’au départ on aura tous une tendance naturelle à rejeter l’idée de se replonger dans cette affaire dont on a été matraqué, dont on a été gavé jusqu’à l’envie de la vomir toute entière, en ce qui me concerne j’ai vite pris plaisir et intérêt à la lecture de ce roman satirique. Je me suis même surpris à être à nouveau édifié par le récit des faits tout en me délectant des caricatures de tous les protagonistes et des traits d’humour tranchants de l’auteur (comme je les aime !).

Voici mes compagnons de promenade. Une ronde d’une trentaine de taulards. Les uns derrière les autres, on avance lentement comme des éléphants tenant chacun la queue du précédent par la trompe. Moins tristes que les éléphants du PS. Quelle misère ces socialistes ! Tu m’étonnes qu’ils comptaient sur moi, pas un pour relever l’autre dans la balourdise éléphantesque justement. Toutes les qualités des vrais éléphants, ils ne les ont pas (solidarité, mémoire, sensibilité, force, défenses), mais tous les défauts, ça y va : lourdeur, maladresse, vieillissement, peur des souris, et pour couronner le tout, perte du sens des réalités, hallucinations éthyliques même, comme cette Martine Aubry qui voit des socialistes roses dès qu’elle boit un coup de trop ! Je préfère les éléphants d’ici, leurs crimes contre la société sont assumés.

Si Nabe a pris le parti (sans doute le plus raisonnable d’ailleurs) de considérer que toutes les accusations contre DSK étaient vraies, entre fiction et réalité, il n’est toutefois pas compliqué de faire la part des choses. Pas de manipulation ici. Reste l’impression d’ensemble : la puissance du romancier qui, s’il ne décrit pas toujours la réalité, s’il interprète les faits, s’il les extrapole, et si besoin imagine des scènes de toutes pièces, parvient à nous mener vers les chemins d’une certaine vérité… La force du roman ne réside en effet pas uniquement dans la qualité de l’écriture ou de l’imagination débordante de son auteur, mais aussi et surtout dans ce qu’il parvient à produire des morceaux de l’immense puzzle qu’il a à sa disposition. Ici, il nous fait à nouveau preuve de son incontestable indépendance d’esprit (anarchiste !) et de ses qualités d’analyses factuelles, culturelles et psychologiques pour produire son œuvre.

– J’adore le violon, me souffla Anne dans l’oreille, pas toi, mon amour ?
«J’en sors, connasse !» aurai-je aimé lui répondre, mais je me contentai de lui sourire hypocritement , comme d’habitude.

On y retrouve bien entendu Anne Sinclair comme le co-personnage central du roman (du début à… la toute fin !) : bouleversée mais pas bouleversante, touchée par une hystérie cynique et sioniste à l’extrême, elle passe son temps à lire des livres et à visionner des films sur l’holocauste, à décrocher et accrocher les Matisse ou les Picasso (elle ne sait plus très bien elle-même !) hérités de son papi, à écouter de la musique yiddish et à constituer des listes noires sur les personnalités politiques et médiatiques qui ont dit du mal de son chéri ou ne l’on tout simplement pas assez soutenu de l’autre côté de l’Atlantique… Le chéri en question est totalement écrasé par l’amour inconditionnelle de sa femme, par son ambition sans limite pour lui et même par sa judéité extravertie… On découvre un Dominique exaspéré et secrètement antisémite ! Il ne supporte plus les autres, et encore moins ceux qui le supportent. Nabe est son porte-parole pour qu’il livre lui aussi sa vérité et se délivre enfin de lui-même et des autres !

La vision éblouissante de ce taureau noir énorme me mit les larmes aux yeux, parce que je le comprenais… J’étais pour lui, avec lui, en lui, si fort que je n’ai pas remarqué immédiatement le connard qui le «chevauchait». Un cow-boy de plus, toujours en stetson avec ses jambières à franges comme les taleth, et sa main en l’air même pas pour tenir le flambeau d’une Liberté quelconque… Petite chose insignifiante qui s’agitait sur l’échine de la bête somptueuse…
Mais je m’aperçus que le «connard», c’était moi aussi. Mon être humain de base, orgueilleux et faible, prétentiard et présomptueux, qui essayait de maîtriser la bête en lui, sous lui.

Je vous laisse imaginer toutes les scènes et péripéties qui émaillent ce livre très drôle et très rythmé de 250 pages bien tassées ! A lui seul, il vaut bien mieux que 10 biographies de DSK écrites par ses relations, 20 confessions d’Anne Sinclair et que le, paraît-il, très attendu livre de Tristane Banon réunis !

Brafman et Taylor étaient furieux :
– Il est temps que ce cirque indécent s’arrête !
C’étaient eux les indécents, à vouloir absolument que Nafissatou soit une pute intéressée par le fric et qui, parce qu’elle avait menti sur des peccadilles, ne pouvait plus être crue sur l’essentiel… Ah ! Pour transformer un seul grand procès en mille petits procès d’intention, ils étaient forts.

Puisque cette affaire a une nouvelle fois démontré de manière éclatante la faillite de nos élites médiatiques, intellectuelles et politiques à nous guider sur les chemins de l’information et de la justice, heureusement qu’il nous reste un romancier de la trempe de Nabe pour nous raccrocher à quelque chose de concret et de cyniquement drôle dans cette société. C’est bien la conclusion la plus évidente que je tire de la lecture de ce livre… Vive Nabe !

Personne ne peut rien faire contre l’injustice des hommes, même pas Dieu. Je ne me sens pas coupable. Et je ne veux pas réparer parce que j’estime que c’est juste, c’est la loi du plus fort, de la nature. La société est méprisable parce qu’elle a été créée pour contrebalancer la nature et qu’elle n’en est même pas capable. Je n’ai pas à respecter la justice des hommes, la société n’a même pas la force du nombre à opposer à la simple puissance d’un individu.

Uniquement disponible en anti-édition sur le site de l’auteur, au prix de 24 euros.

Le coup de la «faute morale», j’avoue que c’était bien trouvé. Pour éviter de dire ce que j’avais fait, rien de mieux que de dire ce que ça représentait de l’avoir fait. Faute morale, balle au centre…

Olivier BEUGIN

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