Nicolas Gómez Davila

1282246011« L’histoire nous indique qu’il existe 2 types d’anarchie: celle qui émane d’une multiplicité de forces et celle qui dérive d’une multiplicité de faiblesses. »

C’est par la répétition et le retour circulaire à deux ou trois idées fondamentales que l’on cerne peu à peu le corps de la pensée de Gómez Davila : moins une doctrine qu’une position à l’égard du monde et de l’époque, moins un corps de principes qu’un certain regard sur les choses. On peut tout de même y repérer quelques idées forces, à commencer par un aristocratisme absolu, un dégoût définitif pour l’égalitarisme démocratique, un catholicisme assumé et un profond ancrage dans l’idée de droit naturel et de hiérarchie des choses humaines ; le tout offert en millésime grand style: «la phrase doit avoir la dureté de la pierre et le frémissement de la feuille ».

Une vie solitaire, dans sa maison de Bogotá, consacrée à la lecture et à la méditation, où il résiste en vaincu au triomphe de la vulgarité langagière et spirituelle de la démocratie de masse, Gómez Dávila n’avait d’autre choix que celui d’écrire. Avec lui, se confirme l’intuition selon laquelle les miracles littéraires excèdent rarement des constellations de trente mots. « Si le réactionnaire n’a aucun pouvoir à notre époque, sa condition l’oblige à témoigner de son écœurement. » Voilà comment Nicolás Gómez Dávila défiait la domination et la censure du préjugé progressiste. Nous croyons être libres, nous sommes simplement suffisamment divertis pour oublier que nous sommes dominés. « La liberté à laquelle aspire l’homme moderne n’est pas celle de l’homme libre, mais celle de l’esclave un jour de fête ».

« Le pur réactionnaire n’est pas un nostalgique qui rêve de passés abolis, mais le traqueur des ombres sacrées sur les collines éternelles ». Beaucoup crieront haro à la réaction et penseront s’en tirer avec haussement d’épaules et ricanement, mais la pensée politique de Gómez Davila, absolument pas de gauche mais pas « simplement » à droite pour autant, s’avère en définitive extrêmement subtile, plus proche de la position des « anarchistes de droite » que des réactionnaires au sens classiques, plus littéraire, en fin de compte, que véritablement politique, plus radicale et intransigeante que pratique. L’impertinence fut le désespoir de sa politesse. Le lire serait une belle façon de la lui rendre.

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Les titres de ces livres pourraient faire croire qu’ils sont d’un bibliothécaire enregistrant des manuscrits anonymes : Notas, Textos et, pour l’œuvre principale, plusieurs recueils d’aphorismes : Scolies, Nouvelles Scolies et Autres Scolies pour un texte implicite. Toutes ces œuvres ont été éditées pour un usage privé ou avec un tirage si limité que même en Amérique du Sud on ne les trouve que difficilement. Ne cherchez pas trop à savoir qui fut Nicolás Goméz Dávila : sa biographie est trop pauvre en anecdotes et en rocambolesque. « Seules la quiétude et la routine nous livrent la pulpe des choses, des essences, des êtres », affirmait-il. Contentez-vous dès lors de l’imaginer, reclus dans la bibliothèque aux trente mille volumes de sa résidence à Bogota. La plume à la main, il attend patiemment la cristallisation d’une idée.« Peu importe la sordide pénombre organique d’où naît une idée. Ce qui compte, c’est sa dure pointe de diamant. »

Nicolás_Gómez_DávilaAttardons nous tout de même aux faits marquants de son existence. Né dans une famille des élites colombiennes, il passe une partie de sa jeunesse à Paris. Gómez Dávila a toujours considéré sa patrie comme l’exemple le plus malheureux d’une colonie, à savoir celle qu’on abandonne à sa liberté. « Nous ne devons pas émigrer mais conspirer. » Dans sa biographie, la France apparaît en tout cas comme le pays formateur de ses jeunes années, ce qui lui fait encore dire aujourd’hui : « C’est la France qui m’a fait. » Pendant son enfance, en raison d’une grave pneumonie, il doit rester alité pendant deux ans, période pendant laquelle il suit les cours de précepteurs et se prend de passion pour la littérature classique. Plus tard, un accident de polo lui brise les hanches.

De retour en Colombie dans les années 1930, il ne retourne jamais en Europe par la suite, à l’exception d’un séjour de six mois en 1948, en compagnie de son épouse. N’ayant jamais fréquenté l’université, il passe dès lors la plupart de son temps chez lui, où il accumule plus de 30 000 livres dans une impressionnante bibliothèque.

En 1954, un premier ouvrage est publié par son frère : Notas I, une compilation de remarques et d’aphorismes qui resta très largement ignorée dans la mesure où cent exemplaires seulement en avaient été tirés – ils étaient destinés à être offerts à des proches. Le programme génétique des scolies de Dávila est résumé dans ce vœu : «Tâchons que notre phrase, au lieu d’être le premier pas d’un discours, soit le dernier geste d’une idée». Ce parti pris de n’énoncer que des aboutissements, ou des conclusions, en s’épargnant de lourdes démonstrations, est encore explicité dans divers propos de l’auteur.

Le choix de la forme brève répond, d’une part, à l’option artistique d’un écrivain qui constate avec prudence que «Les miracles littéraires excèdent rarement des constellations de trente mots», et que la charge esthétique d’un texte ne saurait être proportionnelle à sa longueur. Ce choix satisfait, d’autre part, aux préoccupations morales d’un auteur soucieux de bienséance envers son lecteur, considérant que «L’écrivain bien élevé tâche de se limiter au nécessaire» et qu’il convient donc d’ «Ecrire bref, pour conclure avant de lasser»32040_10535_1

Mais le choix de la forme brève correspond aussi, plus profondément, à la conviction qu’un système philosophique est nécessairement faux : «Cohérence et évidence s’excluent», que «La vérité est une somme d’évidences incohérentes» et ne peut se révéler que par éclats : «Il y a mille vérités, l’erreur est une». Toute tentative d’assembler ces éclats en système est donc vaine : «L’idée développée en système se suicide» car «La déduction philosophique est l’art de transformer une observation exacte, mais limitée, en un système global, mais faux».

Gómez Dávila rédige un petit recueil d’essais, Textos I, qui est publié en 1959 (comme pour Notas I, le deuxième volume n’est jamais paru). Il y développe les concepts de base de son anthropologie philosophique et de sa philosophie de l’histoire, dans un registre de langue très recherché, où abondent les métaphores. C’est dans cet ouvrage qu’il exprime pour la première fois son intention de créer un  » mélange réactionnaire « , un système philosophique ne pouvant selon lui rendre compte de la réalité.

En 1958, il se voit offrir le poste de premier conseiller du président colombien, mais refuse ; quand on lui propose en 1974 de devenir ambassadeur à Londres, il refuse également. Même s’il appuie le président Alberto Lleras pour avoir renversé la dictature de Rojas Pinilla, il n’exerce jamais aucune fonction politique.

De fait, il critique aussi bien la gauche que la droite politique et les conservateurs, même s’il partage en grande partie le point de vue de ces derniers en raison de ses principes réactionnaires. Il défend une anthropologie sceptique, fondée sur une étude approfondie de Thucydide et de Jacob Burckhardt, ainsi que les structures hiérarchiques qui doivent ordonner la société, l’Église et l’État.

Il critique vigoureusement le concept de souveraineté du peuple, qui est pour lui une divinisation de l’homme dénuée de toute légitimité et un rejet de la souveraineté de Dieu. Dans le même ordre d’idées, Gómez Dávila voit dans le concile Vatican II une adaption très problématique de l’Église au monde. Il déplore tout particulièrement la quasi-disparition du rite de saint Pie V célébré en latin, dans la foulée du concile. Gómez Dávila pense que toutes les erreurs politiques résultent en dernier lieu d’erreurs théologiques. C’est précisément pour cette raison que sa pensée peut être considérée comme une forme de théologie politique.

« Beaucoup n’aiment l’homme que pour oublier Dieu la conscience tranquille. »…. « Être chrétien à la mode actuelle consiste moins à nous repentir de nos péchés qu’à nous repentir du christianisme. »… « L’Église est en train de mourir, poursuit-il en baissant la tête, nous devons désormais être seuls avec Dieu. La prière est la seule action intelligente. »

Le libéralisme, la démocratie et le socialisme, sont les principales cibles de la critique acerbe de Gómez Dávila ; il estime en effet que c’est en raison de l’influence de ces idéologies contemporaines que le monde est décadent et corrompu. Gómez Dávila s’est intéressé à un grand nombre de sujets, principalement des questions d’ordre philosophique ou théologique, mais également littéraire, artistique ou historique. Son style se caractérise par l’emploi de phrases brèves, ou scolies, dans lesquelles il commente le monde qui l’entoure, en particulier dans les cinq volumes de Escolios a un texto implícito (publiés successivement en 1977, 1986, et 1992). Son style se rapproche de celui des moralistes français comme La Rochefoucauld, Pascal, La Bruyère et Rivarol.

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Il a d’une certaine manière créé la figure littéraire du réactionnaire, au travers de laquelle il pense le monde moderne. Dans ses derniers ouvrages, il tente de définir de manière positive ce  » réactionnaire  » auquel il s’identifie ; il le place au-delà de l’opposition entre droite et gauche politique. Se fondant sur un catholicisme traditionnel influencé, entre autres, par la probité intellectuelle de Nietzsche, Gómez Dávila critique la modernité, son œuvre demeurant pour lui une défense d’une  » vérité qui ne périra jamais « . La posture réactionnaire de Gómez Dávila n’en fait pas un doctrinaire. Il condamne les désordres modernes plus qu’il ne prône un retour à l’ordre ancien. Croit-il seulement à ce retour ? Il y a chez lui de la nostalgie plus que de l’espérance. L’ironiste néanmoins l’emporte sur le partisan, et le moraliste sur le croyant.

La solution ne peut être que métaphysique, impliquant la réintroduction d’une transcendance dans l’ordre politique. Mieux qu’une pensée « réactionnaire » au sens restreint du terme ( dont on doit cependant oser, de temps à autre, se faire un étendard, mais le bon), les Scolies de Nicolás Gómez Dávila rétablissent les droits immémoriaux d’une grande pensée libertaire et aristocratique. « Le réactionnaire n’argumente pas contre le monde moderne dans l’espoir de le vaincre, mais pour que les droits de l’âme ne se prescrivent jamais. ». Comme le texte, la victoire est implicite, secrète. Car si les droits de l’âme demeurent imprescriptibles, le Moderne est bel et bien vaincu et ses triomphes ne sont que nuées.

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« Un geste, un seul geste suffit parfois à justifier l’existence du monde ». Cette pensée guerroyante et savante, polémique et érudite, est avant tout une pensée amoureuse. Le combat contre l’uniformité, l’étude savante qui distingue et honore la diversité prodigieuse sont autant de sauvegardes de l’amour. « L’amour est l’organe avec lequel nous percevons l’irremplaçable individualité des êtres ». Or cette « irremplaçable individualité » n’est autre que la beauté. « La beauté de l’objet est sa véritable substance ». Celle-ci n’appartient pas à la durée, de même que la tradition n’appartient pas à la perpétuité, mais à l’instant.  « L’éternité de la vérité, comme l’éternité de l’œuvre d’art sont toutes deux filles de l’instant ». L’instant ne s’offre qu’à celui qui le saisit au vol, chasseur subtil, qui discerne dans le monde des rumeurs qui se font musique, en deçà ou par-delà le vacarme obligatoire (le monde moderne étant bruyant comme le sont les prisons). « Les choses ne sont pas muettes, seulement elles sélectionnent leurs auditeurs. »

Le dessein de Gómez Dávila n’est pas de faire partager ses idées, de les mettre en circulation, comme une monnaie frappée à son effigie, mais de rendre possible une méditation sur la « cohérence » qui échappe à l’évidence, sur « l’implicite » que ses Scolies désignent et dissimulent. « Si l’on veut que l’idée la plus subtile devienne stupide, il n’est pas nécessaire qu’un imbécile l’expose, il suffit qu’il l’écoute. » Demeure à travers ce qui est dit la possibilité offerte de n’être pas soumis au temps, d’imaginer ou de se souvenir d’une cohérence du monde, mystérieuse et sensible à « l’intonation montante ou descendante ».

Face à la démagogie (« Démagogie est le mot qu’emploie les démocrates quand la démocratie leur fait peur »), il n’y a guère que l’aristocratie, celle-ci toutefois, étant définie, non en termes sociologiques, mais rigoureusement métaphysiques comme une possibilité universelle : « Le véritable aristocrate est celui qui a une vie intérieure. Quels que soient son origine, son rang ou sa fortune. L’aristocrate par excellence n’est pas le seigneur féodal dans son château, c’est le moine contemplatif dans se cellule. » Et ceci encore : « Au milieu de l’oppressante et ténébreuse bâtisse du monde, le cloître est le seul espace ouvert à l’air et au soleil ». Les Scolies apparaîtrons ainsi, à qui voudra bien en répondre, comme les signes de la présence de ces cloîtres détruits, de ces temples saccagés, mais dont les cryptes demeurent, textes implicites, de nos vie intérieures imprescriptibles.

Il ne s’est jamais montré particulièrement intéressé par la renommée que pouvait acquérir son œuvre. De fait, sa réputation n’a commencé à croître véritablement qu’au début des années 1980. Cette bombe à retardement allait irradier, au fil des ans, d’abord la Colombie, puis l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Gomez Davila meurt en 1994, la veille de son 88ème anniversaire. « Écrire pour la postérité, ce n’est pas désirer qu’on nous lise demain. C’est aspirer à une certaine qualité d’écriture. Même si personne ne doit nous lire. »

Gómez Dávila

– EXTRAITS DES NOTAS (1954)

Peu de choses meurent aussi vite que les idées, et peu de cadavres inspirent une telle indifférence.

Peut-être qu’après tout, la meilleure justification des aristocraties est notre évident besoin de spécialistes de l’art de vivre.

Le plus difficile : se résigner sans amertume, et vivre avec dignité une vie que le destin éloigne de toute noble entreprise.

Le récit intelligent de la défaite est la subtile victoire du vaincu.

– EXTRAITS du tome 1 des ESCOLIOS A UN TEXTO IMPLICITO (1977)

Les sociétés se distinguent uniquement par le statut de leurs esclaves et le nom qu’elles leur donnent.

Le premier pas de la sagesse consiste à admettre, avec bonne humeur, que nos idées peuvent très bien n’intéresser personne.

Vu les inéluctables conditions de son activité particulière, le politicien ne peut être qu’à moitié intelligent.

L’imbécile ne découvre la radicale misère de notre condition que quand il est malade, pauvre, ou vieux.

Dénigrer le progrès est trop facile. J’aspire à la chaire d’arriération méthodique.

La sensualité est la possibilité permanente d’arracher le monde à la captivité de son insignifiance.

La résistance est inutile quand tout se conjure dans le monde pour détruire ce que nous admirons.  Il nous reste toujours, cependant, une âme intègre pour contempler, pour juger, et pour mépriser.

Je me méfie de toute idée qui ne semble pas démodée ou grotesque à mes contemporains.

Les tactiques de la polémique traditionnelle échouent devant le dogmatisme inébranlable de l’homme contemporain.  Pour le vaincre, il nous faut des stratagèmes de guérilléro. Nous ne devons pas l’affronter avec des arguments systématiques, ni lui présenter méthodiquement des solutions alternatives. Nous devons tirer avec n’importe quelle arme, depuis n’importe quel buisson, sur toute idée moderne qui s’avance seule sur le chemin.

– EXTRAITS du tome 2 des ESCOLIOS … (1977)

Méfions-nous de ceux qui ont besoin de certificats d’origine pour prouver leur noblesse.

L’homme cultivé a le devoir d’être intolérant.

Le réactionnaire plaide pour la liberté de l’esclave, afin de limiter la liberté du maître.

Le réactionnaire est moins ami de la liberté qu’ennemi de l’absolutisme.

Un par un, les hommes sont peut-être notre prochain, mais en troupeau, sûrement pas.

Ce n’est pas au simple échec du monde moderne que nous assistons aujourd’hui, mais à l’échec de son succès.

Le malheur du moderne n’est pas de devoir vivre une vie médiocre, mais de croire qu’il pourrait en vivre une qui ne le soit pas.

– EXTRAITS du tome 1 des NUEVOS ESCOLIOS … (1986)

Dans les époques aristocratiques, ce qui a de la valeur n’a pas de prix ; dans les époques démocratiques, ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur.

Ce que dit le réactionnaire n’intéresse jamais personne. Ni quand il le dit, car cela semble absurde ; ni au bout de quelques années, car cela semble évident.

La vulgarité a colonisé la terre. Ses armes ont été la télévision, la radio, la presse.

– EXTRAITS du tome 2 des NUEVOS ESCOLIOS … (1986)

Ce que l’on a appelé droite, en ce siècle, n’a été qu’un cynisme opposé à l’hypocrisie de la gauche.

Nous doutons de l’importance de beaucoup de vertus, tant que nous ne sommes pas tombés sur le vice opposé.

L’homme ne communique avec un autre homme que quand le premier écrit dans sa solitude, et que l’autre le lit dans la sienne. Les conversations sont divertissement, escroquerie ou escrime.

Dépeupler et reboiser – première mesure civilisatrice.

Nous apercevons déjà le mélange de bordel, de geôle et de cirque, que sera le monde de demain, si l’homme ne reconstruit pas un monde médiéval.

Dans l’état moderne, les classes aux intérêts opposés ne sont pas tant la bourgeoisie et le prolétariat, que la classe qui paye des impôts et celle qui en vit.

Seules deux choses éduquent : avoir un maître ou être un maître.

Ce n’est pas seulement que l’ordure humaine s’accumule dans les villes, c’est que les villes transforment en ordure ce qui s’accumule en elles.

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– Extraits de « Carnets d’un vaincu »

«La pensée du marxiste se fossilise avec le temps; celle de l’homme de gauche devient spongieuse et flasque» (p. 10).

«Lorsque la possibilité même d’une transcendance s’avère impensable, la pensée reste utile, mais perd tout intérêt» (p. 11).

«Nous autres réactionnaires octroyons aux imbéciles le plaisir de se croire de hardis penseurs d’avant-garde» (p. 13).

«Les textes réactionnaires paraissent obsolètes aux contemporains et d’une surprenante actualité à la postérité»

«Le moderne a substitué à l’Imitation du Christ la parodie de Dieu» (p. 20).

«La presse de gauche fabrique pour la gauche les grands hommes que ni la nature ni l’histoire ne lui fabriquent» (p. 22).

«Ce qui est notoire dans toute entreprise moderne c’est le décalage entre l’immensité, la complexité de l’appareil technique et l’insignifiance du produit final» (p. 24).

«La machine moderne est chaque jour plus complexe et l’homme moderne chaque jour plus élémentaire» (p. 35).

«Nous avons commencé par appeler démocratiques les institutions libérales et nous avons fini par appeler libérales les servitudes démocratiques» (Ibid).

«Sans lecteur intelligent pas de texte subtil» (p. 66).

«Tradition, propagande, hasard ou conseil choisissent nos lectures.

Nous ne choisissons que ce que nous relisons» (p. 67).

«La médiocrité d’un livre requiert parfois des années avant de devenir manifeste» (p. 79).

«Je ne comprends pas comment on peut être de gauche au sein du monde moderne où tout le monde est plus ou moins de gauche» (p. 84).

«Pour le progressiste moderne, la nostalgie constitue l’hérésie suprême» (p. 89).

«Tout charlatanisme débute par l’abus innocent d’une métaphore» (p. 116).

«Le réactionnaire n’est pas conseiller du possible mais confesseur du nécessaire» (Ibid.).

«Être de gauche c’est croire que les présages de catastrophe sont augures de prospérité» (p. 133).

– EXTRAITS du Réactionnaire authentique

L’intégration croissante de l’humanité ne fait que lui faciliter le partage des mêmes vices.

Si l’on n’aspire qu’à doter d’un nombre croissant d’articles un nombre croissant d’individus, sans se soucier de la qualité des individus, ni de celle des articles, le capitalisme est la solution parfaite.

La liberté à laquelle aspire l’homme moderne n’est pas celle de l’homme libre, mais celle de l’esclave un jour de fête.

– EXTRAITS des « Horreurs de la Démocratie »

Après avoir discrédité la vertu, ce siècle a réussi à discréditer les vices. Les perversions sont devenues des parcs d’attractions que fréquentent en famille les foules du dimanche.

La religion n’est pas née d’un besoin urgent d’assurer la solidarité sociale, pas plus que les cathédrales n’ont été construites dans le dessein de favoriser le tourisme.

Ne pas sentir la putréfaction du monde moderne est un signe de contamination.

La sagesse, en ce siècle, consiste avant tout à savoir supporter la vulgarité sans se mettre en rage.

L’intelligence reste en vie tant qu’elle ne préfère pas ses solutions à ses problèmes.

Mon semblable n’est pas celui qui accepte mes conclusions, mais celui qui partage mes répugnances.

Le moderne se refuse à entendre le réactionnaire, non que ses objections lui paraissent irrecevables, mais parce qu’elle ne lui sont pas intelligibles.

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